Les États-Unis, à la tête de la coalition antidjihadiste, ont affirmé vouloir rétablir avec la Russie le canal de communication militaire sur la Syrie, dont Moscou a annoncé la suspension après la destruction d'un chasseur syrien par un avion américain.

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Ce canal «a très bien fonctionné sur les huit derniers mois», et «nous allons travailler dans les prochaines heures sur le plan diplomatique et militaire pour rétablir» ces communications entre les quartiers généraux russe et américain au Moyen-Orient, a affirmé lundi le chef d'état-major inter-armées américain, le général Joe Dunford.

Impliqué militairement au côté du régime du président syrien Bachar al-Assad, Moscou a annoncé lundi la suspension des canaux de communication avec les États-Unis sur la prévention des incidents aériens en Syrie, accusant Washington de n'avoir pas «prévenu» l'armée russe qu'elle allait abattre l'avion.

Son ministère de la Défense a indiqué que les «avions et les drones de la coalition internationale repérés à l'ouest de l'Euphrate seront suivis et considérés comme des cibles par les moyens terrestres de défense antiaérienne et par les moyens aériens».

L'armée syrienne avait annoncé dimanche que la coalition internationale avait abattu l'un de ses avions de combat alors «qu'il menait une mission contre l'EI» (le groupe djihadiste État islamique) dans la province de Raqa.

La coalition a affirmé qu'il s'agissait d'une riposte à des frappes aériennes sur les Forces démocratiques syriennes (FDS - alliance de combattants antidjihadistes arabes et kurdes) soutenues par les États-Unis.

La tension est encore montée d'un cran avec les tirs par l'Iran - un autre allié du régime de Damas - pour la première fois dimanche de missiles contre des cibles de l'EI en Syrie.

«Désescalade» 

Ces deux événements «soulèvent plus généralement notre profonde inquiétude sur le risque d'une possible erreur de jugement ou d'escalade militaire en Syrie», a déclaré lundi le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric.

«Nous pensons que le risque est accru lorsque les efforts de lutte contre l'EI et d'autres groupe terroristes ne sont pas associés à la recherche d'une solution politique» aux six années d'un conflit qui a causé la mort de plus de 320 000 personnes, a souligné Stéphane Dujarric.

L'incident s'est déroulé à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de la ville de Raqa, chef-lieu de la province éponyme et principal fief de l'EI en Syrie, que les FDS tentent de capturer depuis des mois.

Le Pentagone a précisé que les États-Unis avaient adapté leurs opérations aériennes en Syrie suite à la montée des tensions provoquée par l'incident de dimanche.

«Nous avons par mesure de précaution repositionné nos avions au-dessus de la Syrie, pour pouvoir continuer de frapper les forces du groupe État islamique, tout en assurant la sécurité de nos équipages», a déclaré le major Adrian Rankine-Galloway, un porte-parole du Pentagone.

«Nous voulons parvenir à une désescalade de la situation» mais «nous garderons toujours notre droit à l'autodéfense», a souligné pour sa part le porte-parole de la Maison-Blanche Sean Spicer.

Dans la même zone de l'incident, des affrontements ont opposé dimanche soir pour la première fois des troupes prorégime et les FDS, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Les combats avaient cessé lundi.

Cette escalade survient au moment où les troupes syriennes se trouvent dangereusement proches de zones contrôlées par des forces soutenues par les États-Unis, aussi bien dans le nord que dans le sud-est syrien.

Incidents isolés 

L'armée syrienne progresse sur trois fronts - nord, centre, sud - et se dirige vers la province de Deir Ezzor, qu'elle espère reprendre à l'EI, après avoir chassé les djihadistes de plusieurs localités.

Bien qu'elles luttent toutes les deux contre l'EI, les troupes du régime et les FDS sont des forces rivales.

D'après Sam Heller, un expert de la Syrie auprès de The Century Foundation, ces incidents doivent être considérés comme isolés.

«C'est le régime qui s'est engagé dans une provocation et puis un commandant américain a réagi par autodéfense. Le régime s'est approché trop près et s'est brûlé les doigts», dit-il. «Aucune partie ne veut délibérément provoquer une escalade, mais quand il y a ce genre de heurts, cela peut aboutir à une escalade accidentelle».

Dans la province de Raqa, le régime ne participe pas à l'offensive menée par les FDS pour s'emparer de la ville éponyme, mais veut à travers cette région parvenir à la province pétrolière de Deir Ezzor.

Déclenchée par la répression de manifestations pro-démocratie, le conflit en Syrie a dévasté le pays et provoqué le déplacement forcé de plus de la moitié de la population.