Près de Raqqa, des Syriens rêvent de fêter la fin du ramadan dans leur ville, bastion du groupe État islamique (EI) que des forces soutenues par les États-Unis s'apprêtent à assaillir dans les jours à venir.

Dans le camp de déplacés de Ain Issa, à 50 km au nord de Raqqa, les civils ne cessent d'affluer, à mesure que les combats se rapprochent de cette ville du nord aux mains des jihadistes depuis près de trois ans.

Les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants arabes et kurdes, devraient lancer l'assaut sur ce bastion de l'EI dans les tout prochains jours.

En attendant, les civils déplacés passent leur premier ramadan, mois de jeûne sacré pour les musulmans, dans les conditions rudes du camp.

«Cela fait 20 jours que je suis là et je dors toujours par terre», déplore Salwa Ahmed, 33 ans, la tête couverte d'un voile noir.

Avec l'été qui approche et les températures qui avoisinent les 40 degrés, ceux qui jeûnent sont mis à rude épreuve.

«Il fait tellement chaud dans le camp. On se sent mort à la fin de la journée», soupire la jeune femme.

Elle se souvient du temps où elle passait le ramadan chez elle avec ses proches, et des plats qu'elle cuisinait pour l'iftar, le repas de rupture du jeûne.

«Chez nous, on cuisinait des centaines de plats différents. Ici, on n'en prépare qu'un seul. Parfois, on ne cuisine même pas et on attend la petite ration qui nous est servie», raconte Salwa Ahmed.

Dans le camp, les déplacés reçoivent gratuitement une ration de nourriture et du pain pour l'iftar, explique la jeune femme, pour qui cela est insuffisant. «Ceux qui n'ont pas d'argent meurent de faim».

Plus de 20 000 personnes ont trouvé refuge à Ain Issa, selon un chiffre donné le mois dernier par un administrateur du camp.

«J'espère qu'on pourra rentrer à Raqqa pour fêter l'Aïd chez nous, rendre nos enfants heureux. Ici il n'y a plus de joie dans le coeur des gens».

«Un rêve»

Les FDS ont lancé en novembre dernier l'opération «Bouclier de l'Euphrate», qui vise à chasser l'EI de Raqqa. Ses combattants sont à présent à quelques kilomètres de la ville sur les fronts nord, est et ouest. Une porte-parole des FDS a déclaré samedi que l'assaut final sera lancé «dans quelques jours».

Ibrahim Mohammad Saïd, la quarantaine, tente de se protéger du soleil à l'ombre du centre médical du camp.

«La situation était vraiment difficile à Raqqa. Mais cela fait six jours que je suis ici [...] et nous n'avons rien reçu. Ma femme, qui vient d'accoucher, mange des tomates et des concombres», déplore ce père d'une famille de 14 personnes.

Dans le camp, un petit marché composé de quelques tentes bleues propose des produits alimentaires, mais Ibrahim ne peut rien se payer.

«Je n'ai pas d'argent pour acheter à manger. Nous vivons quasiment de pain et d'eau», affirme l'homme aux yeux couleur miel et à la fine barbe noire. «Nous espérons pouvoir retourner chez nous le plus vite possible».

Ramadan al-Bakou, lui, a les larmes aux yeux en évoquant sa ville natale.

Se remémorer «l'ambiance de l'Aïd à Raqqa, c'est comme un rêve pour celui qui est loin de chez lui».

«Dès que Raqqa sera libérée, quelle que soit l'heure, j'y retournerai. Même si c'est en pleine nuit», assure l'homme de 38 ans. «Qui ne voudrait pas rentrer chez lui?"

Il s'imagine déjà offrant des vêtements neufs à son fils pour la fête de l'Aïd et rendant visite à sa famille et ses amis.

«Est-ce que Dieu fera que je passe l'Aïd à Raqqa?», s'interroge-t-il. «Ce serait un rêve pour moi».