Le régime syrien est sur le point de rétablir son autorité sur la totalité de Damas après six ans de guerre qui ont causé des destructions dans des quartiers périphériques et des mouvements de population.

La perte de trois importants quartiers de la capitale syrienne est la dernière d'une série de défaites cuisantes pour la rébellion qui cherche à renverser le président Bachar al-Assad depuis 2011.

Lundi, l'armée syrienne a annoncé la fin de l'évacuation d'insurgés et de civils de Qaboun, ex-quartier rebelle dans le nord-est de Damas.

«Nos forces armées rétablissent la sécurité à Qaboun», a annoncé une source militaire syrienne, tandis que le gouverneur de Damas a indiqué que le quartier a été «vidé des terroristes», terme utilisé par le régime pour désigner rebelles et jihadistes.

«Le régime n'est plus menacé»

D'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), les évacuations ont pris fin à Qaboun et Techrine, tandis qu'un dernier groupe attendait encore de sortir du quartier de Barzé.

Les insurgés voient ainsi s'envoler leur rêve de prendre la capitale et de renverser le régime en place depuis 50 ans.

«Avec la prise de ces trois quartiers, le régime contrôle quasiment toute la capitale. Il ne reste plus aux rebelles à l'est qu'une partie de Jobar, qui est en grande partie détruit», assure Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH.

Dans le sud, à Tadamoun, dans le camp palestinien de Yarmouk et à Hajar al-Aswad, les rebelles sont peu nombreux face aux jihadistes, notamment du groupe État islamique (EI), a-t-il précisé.

«Alep (deuxième ville du pays) reprise et Damas en passe de l'être totalement, cela signifie que la rébellion n'est plus une alternative politique ou militaire. Le régime n'est donc aucunement menacé et n'a pas besoin de faire de concessions» lors de négociations politiques, estime le géographe français Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie.

Vital pour Assad

Mais le président Assad revient de loin.

Sa plus grande alerte remonte au 15 juillet 2012, lorsque des milliers de rebelles conquièrent plusieurs quartiers lors de l'opération «Volcan sur Damas». Il faudra aux troupes d'élite plus de deux semaines pour les repousser.

Récemment, le 19 mars, des rebelles et djihadistes du Front Fateh al-Cham avaient lancé, à partir de Jobar, une offensive surprise et pénétré brièvement sur la place des Abbassides, limitrophe du centre, avant d'être repoussés.

Depuis six ans, la capitale, avec ses 1,6 million d'habitants, a été cependant bien moins ravagée que les deux métropoles d'Homs et Alep.

«Le régime s'est retrouvé consolidé grâce aux forces étrangères russes et iraniennes au détriment d'un peuple sans défense», déclare à l'AFP Mohammad Allouche, dirigeant de Jaich al-Islam (Armée de l'Islam), le groupe rebelle le plus puissant autour de Damas.

«Il ne s'agit pas d'une victoire du régime, mais du résultat de sa trahison des engagements d'Astana», selon lui.

L'accord signé le 4 mai à Astana par la Russie, l'Iran et la Turquie porte sur la création de quatre «zones de désescalade» en Syrie, mais sans mentionner la capitale.

Isoler la Ghouta orientale

Pour M. Allouche, «le régime a désormais un plan pour avaler le quartier de Jobar (...) et se diriger ensuite vers la Ghouta» orientale.

Située à l'est de Damas, cette vaste région agricole et résidentielle a rejoint très tôt l'opposition.

Mais le mouvement chiite libanais Hezbollah, allié du régime, a réussi à couper toutes les routes reliant le Liban à Damas et à la Ghouta.

«En stoppant les sources de ravitaillement d'armes, d'hommes et de provisions depuis le Liban, le régime et ses alliés ont coupé l'herbe sous les pieds des rebelles de Damas», explique Joshua Landis, directeur du Centre d'études pour le Moyen-Orient à l'université d'Oklahoma.

Pour Aron Lund, chercheur à la Fondation Century, basée aux États-Unis, «l'avenir semble très sombre à long terme» pour ces rebelles. Les trois quartiers repris «abritaient des tunnels qui permettaient d'approvisionner la Ghouta orientale. Leur perte va affaiblir les rebelles».

«C'est un tournant dans le conflit et une victoire de l'État syrien», se félicite Ahmed Mounir Mohammed, conseiller auprès du gouvernement.

Il nie que les «accords de réconciliation», qui ont entraîné ces derniers jours le départ de milliers de personnes des quartiers rebelles, provoquent un changement démographique.

L'habitant «qui a souhaité régulariser sa situation est resté chez lui, alors que celui qui est parti l'a fait à sa demande», assure-t-il.

En revanche, M. Allouche qualifie de «crime contre l'Humanité» ces transferts de population.