L'ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Nikki Haley, a menacé vendredi d'une nouvelle action militaire américaine en Syrie, au lendemain du bombardement du régime syrien par Washington en représailles d'une attaque chimique imputée à Damas.

« Les États-Unis ont pris une décision très mesurée la nuit dernière » avec la frappe sur une base aérienne syrienne, a expliqué Nikki Haley au Conseil de sécurité. « Nous sommes prêts à en faire plus, mais nous espérons que cela ne sera pas nécessaire. »

Le bombardement américain était « pleinement justifié », a estimé Nikki Haley, affirmant que la base visée a été utilisée dans l'attaque chimique présumée.

Le Conseil de sécurité s'est réuni en urgence vendredi pour évoquer ces frappes.

Le président américain Donald Trump a ordonné jeudi le tir de à missiles de croisière Tomahawk contre la base aérienne syrienne d'al-Chaayrate (centre), après l'attaque chimique imputée à Damas contre une zone rebelle, qui a tué au moins 86 personnes et choqué la communauté internationale.

C'est la première fois que les Américains sont intervenus militairement contre le régime syrien, dans une guerre civile entrée dans sa septième année qui a fait plus de à morts.

« Les États-Unis n'attendront plus qu'Assad utilise des armes chimiques sans conséquence. Ces jours sont révolus », a asséné la diplomate américaine.

« Désormais nous devons passer à une nouvelle phase: une route vers une solution politique à ce conflit horrible », a-t-elle ajouté.

L'ambassadrice à l'ONU a également fustigé le rôle de Moscou, estimant que la Russie aurait dû tempérer son allié syrien.

« Le monde attend que le gouvernement russe agisse de façon responsable en Syrie », a-t-elle jugé. « Le monde attend que la Russie reconsidère son alliance déplacée à Bachar al-Assad. »

Auparavant, la Russie, principal soutien du régime syrien, a accusé les États-Unis, vendredi à l'ONU, d'avoir violé la loi internationale en frappant militairement le régime de Damas jeudi soir, après une attaque chimique présumée qui a fait plus de 80 morts.

« Les États-Unis ont attaqué le territoire souverain de la Syrie. Nous qualifions cette attaque de violation flagrante de la loi internationale et d'acte d'agression », a déclaré le représentant de Moscou à l'ONU, Vladimir Safronkov.

Le chef de l'ONU, la France et le Royaume-Uni ont plaidé pour leur part en faveur d'une solution « politique » en Syrie.

Peu avant la réunion, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres avait appelé à la « retenue » et souligné qu'il n'y avait d'autre solution que « politique » à la guerre qui déchire la Syrie.

« Le Royaume-Uni soutient entièrement l'action des États-Unis de cette nuit, qui est une réponse appropriée à un tel crime odieux, un crime de guerre », a déclaré l'ambassadeur britannique à l'ONU Matthew Rycroft en entrant dans la salle de réunion.

« Il est temps maintenant de nous concentrer sur le processus politique », a-t-il ajouté.

Qualifiant les frappes américaines « d'appropriées » l'ambassadeur français François Delattre a exprimé en arrivant au Conseil son espoir qu'elles marquent un « changement et aident à relancer les négociations politiques » actuellement au point mort.

« Juge et bourreau »

Le président américain Donald Trump a ordonné jeudi le tir de 59 missiles Tomahawk contre une base aérienne syrienne, après l'attaque chimique présumée contre une zone rebelle, qui a tué au moins 86 personnes et a choqué la communauté internationale.

C'est la première fois que les États-Unis interviennent militairement contre le régime de Damas, dans une guerre civile entrée dans sa septième année qui a fait plus de 320 000 morts.

Cette réunion d'urgence se tient à la demande de la Bolivie, qui estime comme la Russie que les États-Unis ont violé la loi internationale.

L'ambassadeur bolivien Sacha Lorenti a affirmé que les États-Unis s'étaient comportés comme « un enquêteur, un avocat, un juge et un bourreau » en Syrie. « Ce n'est pas du tout la loi internationale », a-t-il déclaré avant la réunion.

Le représentant russe M. Safronkov avait averti jeudi les États-Unis de « conséquences négatives » en cas d'intervention militaire.

« Conscient du risque d'escalade, j'en appelle à la retenue pour éviter tout acte qui ajouterait encore à la souffrance du peuple syrien », a déclaré Antonio Guterres dans un communiqué.

Réunion à Genève

« Il n'y a pas d'autre voie pour mettre fin à ce conflit que celle d'une solution politique », a ajouté M. Guterres, en appelant « toutes les parties à renouveler leur engagement à faire avancer les discussions de Genève ».

De difficiles négociations de paix sur la Syrie ont lieu sous l'égide de l'ONU à Genève mais les représentants du gouvernement syrien et de l'opposition peinent à trouver une solution au conflit.

Le Groupe international de soutien à la Syrie (ISSG) doit se réunir d'urgence à l'ONU à Genève vendredi à la demande de Moscou, a annoncé le bureau de l'envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura.

Les 15 pays membres du Conseil de sécurité, instance exécutive de l'ONU, se sont déjà réunis jeudi soir à propos de l'attaque chimique de mardi mais ne sont pas parvenus à s'entendre pour la condamner et lancer une enquête.

Au moins 27 enfants sont morts dans l'attaque contre Khan Cheikhun, petite ville contrôlée par des rebelles et des djihadistes située dans le nord-ouest de la Syrie.

Les premières analyses effectuées sur les victimes suggèrent qu'elles ont été exposées à du gaz sarin, un puissant agent neurotoxique, a déclaré jeudi le ministère turc de la Santé.

La Syrie a été avertie de la menace de frappes américaines

L'armée syrienne a été avertie de la menace d'une opération punitive américaine plusieurs heures avant que des missiles de croisière frappent la base aérienne d'al-Chaayrate dans le centre du pays, a affirmé vendredi une source militaire syrienne.

« Nous avons appris qu'il y avait une menace américaine de bombardement du territoire syrien », a souligné à l'AFP cette source.

« Nous avons pris nos précautions dans plus d'une position militaire, dont la base d'al-Chaayrate. Nous avons déplacé plusieurs avions vers d'autres endroits », a dit ce responsable, ajoutant que l'information leur est parvenue « quelques heures » avant les frappes.

Il n'a pas précisé qui avait averti le gouvernement syrien ni vers où les avions avaient été déplacés.

Des responsables américains ont affirmé que les militaires russes avaient été avertis pour éviter des victimes dans leurs rangs et le Kremlin a confirmé.

Selon cette source militaire syrienne, les frappes ont mis hors service neuf avions, dont certains ont été « totalement détruits ».

Il s'agissait d'une réponse à une attaque chimique présumée imputée à l'armée syrienne contre Khan Cheikhoun, une petite ville contrôlée par des rebelles et des djihadistes dans la province d'Idleb.

Elle a fait mardi au moins 86 morts, dont 27 enfants, et plus de 160 blessés, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Les autorités de Damas ont démenti avoir utilisé des armes chimiques.