Bachar al-Assad est soupçonné d'être derrière l'attaque chimique survenue à Khan Cheikhoun. Depuis son arrivée au pouvoir, ce n'est d'ailleurs pas la première attaque au gaz sarin en sol syrien. Bref retour sur le parcours d'un dictateur.

La vie de Bachar al-Assad a basculé le 21 janvier 1994, jour où son frère aîné, Bassel, a péri dans un accident de voiture.

Fils aîné de l'ancien président Hafiz al-Assad, parachutiste et amateur de courses hippiques, c'est cet homme à l'allure de playboy qui était destiné à prendre la succession du père à la tête de la Syrie.

Pendant que Bassel paradait en uniforme dans les hautes sphères du pouvoir, son jeune frère, plus timide et plus réservé, poursuivait des études en ophtalmologie à Londres, où il a fait la connaissance de celle qui allait devenir sa femme, Asma.

Mais son bain dans la modernité occidentale se termine abruptement quand la mort tragique de son frère le force à rentrer au bercail et à troquer ses études médicales contre une formation accélérée à l'académie militaire de Homs.

Trois ans plus tard, il acquiert le grade de lieutenant-colonel, avant d'être promu colonel en 1999.

Il a tout juste 35 ans quand la mort de Hafiz al-Assad le propulse à la présidence du pays. Jeune, moderne, d'allure occidentale, il est aussi féru de nouvelles technologies et entreprend de libéraliser l'accès à l'internet et aux téléphones cellulaires.

La libération de 10 000 prisonniers politiques renforce son image de réformateur. Dans les cafés syriens, on ne craint plus de discuter de démocratie à voix haute. Le « printemps de Damas » bat son plein.

DE COURTE DURÉE

Mais la saison de la liberté ne durera pas longtemps. Le jeune Bachar se serait heurté aux résistances de la vieille garde du parti Baas syrien, croient les analystes. Dès le début de 2001, l'étau se resserre à nouveau sur les voix dissidentes.

Le président au regard bleu pâle semble se rapprocher de la maxime de son père, qui avait l'habitude de dire qu'il est « plus sûr d'être craint que d'être aimé ». Et qui n'avait pas hésité à mettre ce principe en pratique, notamment en 1982, en massacrant 20 000 sunnites de Hama sous prétexte d'affiliation avec les Frères musulmans.

Mais Bachar al-Assad avait-il vraiment l'intention de démocratiser son pays ? Rétrospectivement, le dissident syrien Michel Kilo en doute. « Ce que le pouvoir avait en tête, c'était de changer l'atmosphère ambiante afin que les capitaux occidentaux viennent en Syrie pour mettre fin à la crise sociale et économique. Les réformes ne visaient qu'à donner à la population la possibilité de mieux travailler, mieux vivre, tout en maintenant l'emprise du pouvoir sur elle », affirmait-il à Libération alors que le printemps de Damas tournait à l'automne...

Retour à la case dictature, donc. Une décennie plus tard, quand d'autres « printemps » balaient la région, Bachar al-Assad aurait été rassuré par ses proches collaborateurs que le vent de changement ne risquait pas de faire souffler sur la Syrie.

Quand les premiers manifestants descendent dans les rues, en mars 2011, Bachar al-Assad ne prend aucun risque : il réprime férocement ses opposants et pousse la révolte pacifique vers la militarisation.

Arrestations, disparitions, torture, massacres aux barils d'explosifs : le régime se radicalise. L'opposition aussi.

ATTAQUE AU GAZ SARIN

Le 21 août 2013, Damas franchit la fameuse « ligne rouge » qu'avait tracée Barack Obama en évoquant l'éventualité d'un recours aux armes chimiques. Une attaque au gaz sarin dans la Ghouta orientale fait plus d'un millier de morts. Dont plus du tiers sont des enfants.

Le monde ne fait rien : Bachar al-Assad a gagné son test psychologique. L'entrée en scène militaire de la Russie lui permettra par la suite de redresser sa position politique et militaire.

Ceux qui imaginaient lui offrir une retraite dorée en exil, pour mettre fin au conflit syrien, doivent se rendre à l'évidence. Bachar al-Assad ne quittera pas ce pays qu'il dit vouloir reconquérir jusqu'au dernier centimètre carré. L'avenir de la Syrie en lambeaux devra se faire... avec lui.

« C'est le seul endroit où je peux vivre, a-t-il assuré dans une entrevue à Russia Today. Je ne suis pas une marionnette. Je n'ai pas été fabriqué par l'Occident pour aller vivre en Occident ou ailleurs. Je suis Syrien, j'ai été fait en Syrie, je dois vivre et mourir en Syrie. »

Bref, après lui le déluge.

PHOTO ARCHIVES AFP

Quand les premiers manifestants descendent dans les rues, en mars 2011, Bachar al-Assad ne prend aucun risque : il réprime férocement ses opposants, et pousse la révolte pacifique vers la militarisation.