Les Occidentaux multipliaient les efforts pour faire voter jeudi une résolution à l'ONU condamnant l'attaque chimique présumée en Syrie, après la menace d'une action unilatérale brandie par Donald Trump.

Le Conseil de sécurité doit de nouveau se réunir jeudi après le report la veille du vote d'une résolution de condamnation, le temps pour les Occidentaux de négocier avec la Russie, allié indéfectible du régime de Damas.

«La France veut obtenir une résolution après ce qui s'est passé», a déclaré le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault. «Il faut obtenir la condamnation des armes chimiques, et enquêter pour savoir ce qui s'est passé réellement, savoir quelles armes ont été utilisées, quelles substances, et faire en sorte que ça s'arrête», a-t-il expliqué.

Trois jours après les faits dans la ville de Khan Cheikhoun, dans le nord-ouest de la Syrie, le caractère chimique de l'attaque semble se préciser même si les circonstances restent encore indéterminées et controversées.

En Turquie, où de nombreux blessés ont été évacués, des autopsies ont confirmé l'utilisation d'armes chimiques, a indiqué jeudi l'agence de presse Anadolu.

Des médecins présents sur les lieux ainsi que des ONG internationales comme Médecins sans frontières (MSF) ont évoqué l'utilisation d'«agents neurotoxiques».

Khan Cheikhoun, contrôlée par des rebelles et des jihadistes, ressemblait à une ville fantôme lorsqu'un correspondant s'y est rendu mercredi. Ses habitants sont sous le choc et des animaux morts gisent encore dans les rues. Une équipe portant masques et gants effectue des prélèvements dans un cratère causé par la frappe aérienne de mardi.

«Je ne peux raconter ma souffrance qu'à Dieu (...) Les Européens ne peuvent rien faire, sauf condamner», témoigne à l'AFP Abdelhamid al-Youssef.

Ce jeune homme de 28 ans a perdu 19 membres de sa famille dont son épouse Dalal et ses deux enfants Ahmad et Aya. Une photo le montrant avec ses enfants morts dans les bras, écrasé par la douleur, a fait le tour des réseaux sociaux depuis mardi.

«Ordre direct» d'Assad

30 enfants figurent parmi les 86 civils ayant été tués à Khan Cheikhoun, selon le dernier bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Quelque 160 autres ont été blessés et transportés dans les hôpitaux de la province d'Idleb ou dans le sud de la Turquie.

Le ministre de la Défense israélien Avigdor Lieberman a affirmé jeudi qu'il était certain «à 100%» que le régime de Damas était responsable des raids de mardi.

«Les deux attaques chimiques meurtrières contre des civils (...) ont été par un ordre direct et prémédité du président syrien Bashar Assad, avec des avions syriens. Je dis cela avec 100% de certitude», a affirmé M. Lieberman au quotidien israélien Yediot Aharonot.

La veille, la Russie, principale soutien du régime, avait affirmé que l'armée syrienne avait bombardé un «entrepôt» des rebelles contenant des «substances toxiques».

L'armée syrienne avait également démenti, mardi soir, que son aviation ait utilisé des armes chimiques ce jour-là.

Mais les déclarations de Damas et Moscou n'ont pas convaincu les Occidentaux, au premier rang desquels les États-Unis.

«Ces actes odieux par le régime d'Assad ne peuvent pas être tolérés», a martelé le président Donald Trump.

Il a reconnu que, de ce fait, son «attitude vis-à-vis de la Syrie et d'Assad avait nettement changé».

Car de «nombreuses lignes» ont été «franchies», a-t-il ajouté en faisant allusion à la «ligne rouge» que s'était fixée son prédécesseur Barack Obama à propos des attaques chimiques du régime syrien.

Moscou interpellé

L'ambassadrice américaine à l'ONU Nikki Haley est allée plus loin. «Quand les Nations unies échouent constamment dans leur mission d'action collective, il y a des moments dans la vie des États où nous sommes obligés d'agir nous-mêmes», a-t-elle martelé au Conseil de sécurité devant lequel elle a brandi ce qu'elle a présenté comme étant deux photos de bébés victimes.

Mme Haley s'est cependant gardée d'expliciter ce qu'elle entendait par une action unilatérale, même s'il s'agit là d'une des déclarations les plus fortes des États-Unis depuis longtemps sur le conflit syrien.

L'administration de Donald Trump peine encore à présenter une stratégie claire sur la meilleure manière de mettre fin au conflit.

Mme Haley s'est emportée également contre Moscou. «Combien d'enfants devront encore mourir avant que la Russie ne s'en soucie?», a-t-elle lancé.

Depuis le début du conflit en mars 2011, les Occidentaux s'opposent aux Russes, ce qui contribue à bloquer tout effort multilatéral pour mettre fin à une guerre qui a fait plus de 320 000 morts.