Le régime syrien a repris jeudi le contrôle total d'Alep, deuxième ville du pays, remportant sa plus grande victoire face aux rebelles depuis le début de la guerre en 2011.

Cette annonce par l'armée syrienne est intervenue au terme d'une opération d'évacuation de dizaines de milliers de civils et rebelles qui ont été conduits vers d'autres zones contrôlées par les insurgés dans le pays.

«Le commandement général des forces armées annonce le retour de la sécurité à Alep après sa libération du terrorisme et des terroristes et la sortie de ceux (...) qui y restaient», a annoncé un général à la télévision d'Etat, lisant un communiqué de l'armée.

«Cette victoire représente un tournant stratégique (...) dans la guerre contre le terrorisme», a-t-il ajouté.

Elle «souligne la capacité de l'armée syrienne et ses alliés à remporter la bataille contre les groupes terroristes et pose les bases d'une nouvelle phase pour chasser le terrorisme de tout le territoire».

Pour la rébellion qui a pris les armes contre les régime de Bachar al-Assad, la perte d'Alep représente un revers cinglant.

«Sur le plan politique, c'est une grande perte», a reconnu Yasser al-Youssef un responsable du bureau politique du groupe rebelle Nourredine al-Zinki. «Pour la révolution, c'est une période de recul et un tournant difficile», a-t-il déclaré à l'AFP.

«Alep est maintenant sous l'occupation de la Russie et de l'Iran», a dénoncé de son côté à l'AFP un responsable du puissant groupe islamiste rebelle Ahrar al-Cham, Ahmad Qorra Ali, évoquant les deux puissants alliés du régime, sans qui la victoire n'aurait pas été possible.

Aussitôt l'annonce faite, des tirs de joie ont été entendus par le correspondant de l'AFP à Alep, où des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour célébrer l'évènement.

«Notre joie est immense. La vie est revenue à Alep aujourd'hui», a lancé l'avocat Omar Halli, qui attend «la victoire pour toute la Syrie».

Évacuation massive

L'armée syrienne et le Hezbollah chiite libanais (allié du régime) «se sont déployés dans la dernière poche que contrôlait la rébellion, et où les démineurs vont intervenir» a indiqué pour sa part à l'AFP le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme Rami Abdel Rahmane.

Lancée le 15 décembre en vertu d'un accord entre l'Iran, la Russie et la Turquie, alliée de la rébellion, l'opération d'évacuation a permis de faire sortir d'Alep plus de 34 000 civils et rebelles selon un chiffre du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) donné avant le départ du dernier convoi en soirée.

Avec la reconquête totale de la cité, le régime contrôle désormais les cinq principales villes de Syrie avec celles de Homs, Hama, Damas et Lattaquié.

La reprise d'Alep est aussi une victoire pour la Russie, intervenue militairement en Syrie en septembre 2015, et l'Iran.

Elle constitue en revanche une défaite pour les alliés de l'opposition comme les monarchies du Golfe, la Turquie et les pays occidentaux, qui voyaient dans les rebelles une alternative au régime en place depuis un demi-siècle.

En raison de l'antagonisme entre la Russie et les Occidentaux, États-Unis en tête, la communauté internationale s'est retrouvée paralysée face au drame humanitaire.

Restée en retrait du mouvement de contestation contre le régime en mars 2011, la seconde ville a plongé dans la guerre civile en juillet 2012.

Lors d'une offensive surprise, les rebelles pénétraient dans la ville et s'emparaient de plus de la moitié de la cité boutant l'armée des quartiers est et du coeur historique de la ville.

Divisée depuis cette date, Alep, l'une des plus anciennes villes au monde, était devenue le principal front du conflit syrien, qui a fait plus de 310 000 morts en cinq ans.

Quartiers rebelles en ruines

Avec l'appui de l'aviation russe, l'armée syrienne avait mené ces derniers mois offensive après offensive pour recapturer ce secteur de la métropole divisée.

Mais c'est la dernière en date, lancée le 15 novembre, qui a brisé les défenses rebelles, incapables de résister à la puissance de feu terrestre et aérienne déployée par Damas et ses alliés étrangers, comme le Hezbollah, des milices iraniennes et irakiennes.

Les quartiers d'Alep-Est ont été presque rasés par les bombardements aériens qui se sont intensifiés ces derniers mois, fauchant la vie de plusieurs centaines de civils et rappelant les destructions de villes comme Berlin à 1945, Guernica ou encore Grozny.

En quatre semaines, du 15 novembre au 15 décembre, l'opération militaire a coûté la vie à plus de 465 civils, dont 62 enfants, à Alep-Est selon l'OSDH, tandis que 142 civils, dont 42 enfants, ont été tués par des tirs rebelles dans l'ouest de la ville.

Outre les bombardements, la population d'Alep-Est, estimée avant l'offensive à 250 000 personnes, avait subi un siège asphyxiant depuis le 17 juillet, souffrant d'une pénurie quasi totale de nourriture, de médicaments et de carburant.

Pour le géographe Fabrice Balanche, il était «difficile» pour le président Assad «de présider aux destinées de la Syrie sans tenir la seconde ville du pays». «Avec sa victoire, il peut se présenter comme le président de toute la Syrie», ajoute ce chercheur au Washington Institute.

La reconquête d'Alep permet au régime de se lancer dans la conquête d'autres régions qui lui échappent encore comme la province d'Idleb (nord-ouest) voisine d'Alep et qui est aux mains d'une coalition entre rebelles et djihadistes. C'est là qu'une grande partie des évacués d'Alep ont été conduits.