L'ambassadeur russe à l'ONU Vitali Tchourkine a annoncé mardi que les combats avaient cessé à Alep-Est après le début d'une opération d'évacuation des combattants rebelles.

Les combattants rebelles « ont commencé à partir et à la suite de cela les opérations militaires ont cessé », a-t-il déclaré à des journalistes. « Les combats autour d'Alep-Est sont terminés. »

Un accord sur une évacuation des civils et des insurgés d'Alep a été conclu mardi, ont annoncé des groupes rebelles après une vague d'indignation internationale contre des atrocités commises dans cette deuxième ville de Syrie en passe de tomber aux mains du régime.

L'enjeu humanitaire est immense puisque des dizaines de milliers de personnes restent assiégées dans les derniers quartiers rebelles soumis au pilonnage de l'armée, qui est sur le point de remporter sa plus grande victoire depuis le début du conflit en 2011.

Ces dernières heures, l'ONU s'est alarmée de l'exécution présumée de dizaines de civils et les ONG ont lancé un cri d'alarme sur la tragédie humaine dans « l'enfer » d'Alep, ville du Nord syrien ravagée par les combats.

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Des civils fuient l'une des dernières zones rebelles d'Alep.

Un accord a été conclu avec le gouvernement syrien pour évacuer les combattants rebelles d'Alep, a indiqué de son côté l'ambassadeur russe à l'ONU Vitali Tchourkine.

« Selon les dernières informations dont je dispose, un accord a été conclu sur le terrain prévoyant que les combattants vont quitter la ville », a-t-il ajouté en précisant que l'évacuation pourrait intervenir « dans les heures qui viennent ».

Il s'exprimait alors que venait de s'ouvrir une réunion d'urgence du Conseil de sécurité sur la situation à Alep-Est, demandée par la France et le Royaume-Uni.

Des groupes rebelles avaient auparavant fait état d'un accord pour l'évacuation des rebelles et des civils d'Alep.

L'accord pour évacuer « les habitants et les rebelles avec leurs armes légères des quartiers assiégés » a été conclu « sous la houlette de la Russie et de la Turquie », soutiens respectifs du régime de Bachar al-Assad et de la rébellion, a affirmé à l'AFP un responsable rebelle.

Il « entrera en vigueur dans les prochaines heures », a précisé Yasser al-Youssef, un responsable du bureau politique de l'influent groupe Noureddine al-Zinki. « Dans une première étape, les blessés et les civils seront évacués. Ensuite, les rebelles sortiront avec leurs armes légères ».

« Ceux qui partiront choisiront d'aller soit dans l'ouest de la province d'Alep ou vers la province (voisine) d'Idleb (nord-ouest) », dans des régions sous contrôle rebelle, a-t-il poursuivi.

Une source à Ahrar al-Cham, autre influent groupe rebelle islamiste, a confirmé un accord d'évacuation en précisant que les civils puis les rebelles seraient transportés à bord de bus vers ces régions.

Soumis depuis quatre semaines à de violents bombardements aériens et à l'artillerie, les rebelles ont perdu la quasi-totalité de leur ancien bastion d'Alep-Est et sont cantonnés notamment dans le grand quartier d'al-Machad.

Réunion à l'ONU

Incapable d'arrêter la machine de guerre du régime de Bachar al-Assad qui a reconquis la quasi-totalité d'Alep à la faveur d'une offensive dévastatrice lancée le 15 novembre, la communauté internationale tentait dans l'urgence de stopper le drame humanitaire dans les quartiers toujours aux mains des rebelles.

L'ambassadrice américaine à l'ONU Samantha Power a demandé mardi que des « observateurs internationaux impartiaux » soient déployés à Alep pour superviser l'évacuation « en toute sécurité » des civils.

S'exprimant devant le Conseil de sécurité qui tenait une réunion d'urgence, elle a souligné que les civils qui veulent quitter Alep-Est « ont peur, à juste titre, d'être abattus dans la rue ou emmenés vers un des goulags d'Assad ». 

Le sort des civils a été de nouveau débattu au Conseil de sécurité de l'ONU à partir de 17 h GMT (midi à New York), après une demande de la France, selon laquelle la situation à Alep est « la pire tragédie humanitaire du 21e siècle ».

Le porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, Rupert Colville, a plus tôt fait état « d'informations indiquant que des forces progouvernementales avaient tué au moins 82 civils, dont 11 femmes et 13 enfants » dans des quartiers de la ville septentrionale.

« Des forces progouvernementales ont pénétré dans des habitations et tué les civils qui s'y trouvaient, y compris les femmes et les enfants », a-t-il dit.

Le chef du groupe de travail sur l'aide humanitaire en Syrie, Jan Egeland, a également dénoncé « les atrocités commises par les milices victorieuses à Alep ».

En écho à ces inquiétudes, le premier ministre français Bernard Cazeneuve a dénoncé les « innombrables atrocités » commises par le régime contre les civils qui peuvent constituer selon lui des « crimes de guerre voire des crimes contre l'humanité ».

La Grande-Bretagne a demandé le départ de Bachar al-Assad, qui s'est illustré selon elle par une « cruauté barbare » envers son peuple.

« L'enfer » d'Alep

« Notre sort est scellé (...) Nous allons mourir ou nous serons arrêtés », a déclaré à l'AFP Ibrahim Abou al-Leith, porte-parole des Casques blancs, l'organisation des secouristes dans le secteur rebelle.

L'armée syrienne aidée au sol des combattants iraniens et du Hezbollah libanais contrôlent plus de 90 % d'Alep-Est et menaient mardi des opérations de ratissage, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

La télévision d'État a diffusé des images filmées dans les quartiers repris aux rebelles : des ruines et des gravats à perte de vue.

Quittant cette zone, des centaines d'hommes et de femmes formaient une file sans fin et avançaient à petits pas dans le froid et la boue, certains emmitouflés dans des couvertures ou des manteaux, portant leurs enfants et leurs maigres possessions dans des sacs en plastique.

photo Agence France-Presse

Des civils fuyant le quartier rebelle tombé aux mains des forces du régime, Boustane al-Qasr, arrivent dans Fardos, autre secteur d'Alep-Est d'où les rebelles ont été chassés, le 13 décembre.

 

« Alep est dans une situation d'urgence absolue : environ 100 000 personnes sont encore piégées sur un territoire de 5 km carrés », a déclaré à l'AFP la présidente de Médecins du Monde, Dre Françoise Sivignon, appelant à sauver les civils de cet « enfer ».

L'ONG Save the Children s'est inquiétée du sort de « centaines d'enfants (qui se trouveraient) au milieu de ce champ de guerres avec leurs parents, ou rendus orphelins en raison des bombardements ».

Une reprise totale d'Alep va permettre au régime de contrôler les cinq plus grandes villes du pays, avec Homs, Hama, Damas et Lattaquié. Un revirement qui n'aurait pas été possible sans le soutien crucial de Moscou, allié indéfectible du régime.

En quatre semaines, l'offensive a coûté la vie à plus de 463 civils à Alep-Est selon l'OSDH, tandis que 130 civils étaient tués par des tirs rebelles dans l'ouest d'Alep. Plus de 130 000 civils ont fui les quartiers Est.

Le conflit en Syrie a fait depuis mars 2011 plus de 310 000 morts et jeté hors de leurs foyers plus de la moitié de la population.