La Russie, alliée clé du régime de Bachar al-Assad, a annoncé un arrêt des raids aériens et des tirs d'artillerie de l'armée syrienne sur les quartiers rebelles d'Alep, une mesure censée assurer l'évacuation de milliers de civils pris au piège des violences.

«C'est plus calme. Même les tirs d'armes légères ont diminué ce qui n'avait jamais été le cas jusqu'à présent», a constaté jeudi soir le correspondant de l'AFP à Alep-Est après l'annonce surprise de Moscou qui n'a pas été commentée par Damas. Mais, selon lui, des bombardements ont ensuite eu lieu sur les quartiers de Kallassé et de Maadi.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a noté un arrêt des frappes de l'aviation syrienne et une baisse des tirs d'artillerie dans les derniers secteurs où les rebelles sont retranchés, avant de faire état de combats sporadiques et de nouveaux raids dans de nombreux quartiers d'Alep-Est où au moins 18 civils ont été tués jeudi.

Un responsable du groupe rebelle Noureddine al Zinki, Yasser Youssef, a lui émis des doutes sur l'annonce russe. «On ne peut juger du sérieux de cette déclaration qu'à la lumière de mesures concrètes garanties par l'ONU», a-t-il dit à l'AFP.

Fort de l'avancée fulgurante de ses troupes dans les quartiers rebelles, à Alep-Est, depuis le début d'une offensive lancée le 15 novembre, le président syrien avait refusé jusqu'à présent les appels à un cessez-le-feu, voulant coûte que coûte s'emparer de la totalité de la deuxième ville du pays.

«Les opérations de combat de l'armée syrienne ont été interrompues dans l'est d'Alep parce qu'il y a une grande opération en cours qui est l'évacuation des civils», a déclaré jeudi soir le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, cité par les agences russes.

«Il va y avoir une colonne d'évacuation de 8000 personnes», a-t-il poursuivi, en marge d'une réunion de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Hambourg, en Allemagne.

M. Lavrov a par ailleurs annoncé que des discussions militaires et diplomatiques russo-américaines se tiendraient samedi à Genève pour étudier notamment des plans d'évacuation des combattants rebelles et des civils qui le souhaitent.

«Trop peu, trop tard»

De son côté, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura a demandé jeudi une «relance des discussions politiques», après une réunion à huis clos du Conseil de sécurité.

À la tête des efforts diplomatiques de l'ONU pour mettre un terme à la guerre civile en Syrie, M. de Mistura a par ailleurs annoncé qu'il prévoyait de rencontrer la semaine prochaine l'équipe du prochain président des États-Unis, Donald Trump.

Les 193 pays de l'Assemblée générale des Nations unies doivent par ailleurs voter vendredi sur un projet de résolution --non contraignante-- demandant un cessez-le-feu immédiat en Syrie et un accès pour les convois humanitaires, une mesure qu'un diplomate a décrite comme «trop peu, trop tard».

Les rebelles se retrouvent acculés dans quelques secteurs sud d'Alep-Est avec des dizaines de milliers de civils pris au piège, alors que l'armée, appuyée de combattants iraniens et du Hezbollah libanais, contrôle désormais plus de 85% de la partie que les insurgés avaient conquise en 2012, selon l'OSDH.

Dans un entretien avec un quotidien syrien paru jeudi, M. Assad avait écarté un cessez-le-feu, estimant qu'une reprise d'Alep par ses forces constituerait «un tournant dans la guerre».

Cette grande ville du nord est le principal front du conflit qui a fait depuis mars 2011 plus de 300 000 morts et poussé à la fuite plus de la moitié de la population syrienne.

Depuis le début de l'offensive à Alep, 384 civils ont été tués, dont au moins 45 enfants, à Alep-Est, selon l'OSDH. 105 civils, dont 35 enfants, l'ont été à Alep-Ouest, qui est toujours resté sous contrôle gouvernemental depuis le début de la guerre.

Appel des Casques Blancs

Au fur et à mesure de l'avancée du régime à Alep-Est, les inquiétudes grandissent sur la situation humanitaire.

Le chef du groupe de travail sur l'aide humanitaire en Syrie, Jan Egeland, a renouvelé jeudi son appel à un cessez-le-feu immédiat.

«Ceux qui (...) essayent de s'enfuir sont pris dans des échanges de tirs, dans des bombardements et risquent d'être la cible de tireurs isolés», a-t-il dit. «Plusieurs centaines d'enfants, malades et blessés (...) doivent sortir» d'Alep-Est, a-t-il ajouté.

Les Casques Blancs, les secouristes opérant dans les secteurs rebelles à Alep-Est, ont lancé un appel désespéré aux organisations internationales pour qu'elles les protègent en leur assurant un passage sûr.

«S'ils ne sont pas évacués, nos volontaires risquent la torture ou l'exécution dans les centres de détention du régime», ont-ils ajouté en s'adressant au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), à l'ONU et au Conseil de sécurité.

L'intensité des combats a accéléré l'exode de la population et 80 000 personnes ont fui Alep-Est depuis le 15 novembre, selon l'OSDH. La grande majorité a trouvé refuge dans des secteurs aux mains des forces gouvernementales.

Fidèle alliée du régime, la Russie est intervenue militairement en septembre 2015 en Syrie aidant les troupes de M. Assad à inverser la situation et à enregistrer des succès.