Le régime syrien et ses alliés ont repris samedi aux rebelles plus de la moitié de leurs quartiers dans l'est d'Alep et continuaient de progresser au 19e jour d'une offensive dévastatrice pour reconquérir la totalité de la deuxième ville du pays.

L'avancée inexorable du régime de Bachar al-Assad sur ce principal front de la guerre se poursuit en dépit des protestations des Occidentaux face à la mort de centaines de civils et l'exode de dizaines de milliers d'autres dans la métropole septentrionale.

Lancée le 15 novembre à coups de raids aériens, de barils d'explosifs et de tirs d'artillerie quasi incessants, l'offensive a permis au pouvoir de s'emparer d'environ 60% de la partie orientale d'Alep, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Aujourd'hui presque en ruines, l'ancien poumon économique de la Syrie était divisé depuis 2012 entre un secteur est conquis par les insurgés et un secteur ouest resté aux mains du régime.

La reprise de l'ensemble des quartiers rebelles assurerait aux forces progouvernementales leur plus importante victoire depuis le début en mars 2011 d'une guerre qui a fait plus de 300 000 morts et jeté hors de son foyer plus de la moitié de la population.

Samedi, à l'issue de violents combats, l'armée, aidée de milliers de combattants étrangers, a reconquis les quartiers de Tariq al-Bab, de Karam al-Jazmati et de Karam al-Tarrab, ainsi que de larges portions de Karam al-Myessar, selon l'OSDH.

La reprise de Tariq al-Bab lui permet de contrôler une route reliant les quartiers ouest d'Alep à l'aéroport international de la ville, également aux mains du régime.

Nouvelles victimes civiles

Les rebelles soutenus pour leur part par les djihadistes du Front Fateh al-Cham sont submergés par le déluge de feu du régime, mais tentent de résister à son avancée.

Selon l'OSDH, les insurgés ont abattu avant l'aube un appareil militaire du régime tuant ses deux pilotes près de l'aéroport d'Alep. Et vendredi, ils avaient réussi à reprendre 70% de Cheikh Saïd, un important quartier d'Alep-Est.

Cheikh Saïd est situé non loin des derniers secteurs encore aux mains des rebelles, de larges quartiers densément peuplés où des milliers d'habitants ont trouvé refuge devant la progression de l'armée.

En vue de batailles de rue dans ces zones, le régime a déployé des centaines de soldats d'élite de la Garde républicaine et de la 4e division dans Alep, a précisé l'OSDH.

«L'armée avance selon le plan établi» et reste «déterminée à mener à bien sa mission de pourchasser les terroristes dans les quartiers est d'Alep et ailleurs», a affirmé une source militaire à Alep. Le régime nomme «terroristes» tous ceux qui ont pris les armes contre lui.

Samedi, des raids aériens sur le quartier rebelle de Chaar ont fait trois morts, a indiqué l'OSDH. Dans l'ouest d'Alep, cinq personnes ont été tuées par des tirs rebelles, ont rapporté les médias officiels.

Depuis le 15 novembre, au moins 310 civils, dont 42 enfants, ont péri dans l'est d'Alep, selon l'OSDH. Dans l'ouest, 69 civils, dont 28 enfants, ont été tués par des tirs rebelles.

La campagne d'une violence inouïe du régime a entraîné un exode massif de civils qui devrait s'accentuer. Plus de 50 000 habitants d'Alep-Est, selon l'OSDH, ont fui depuis le 26 novembre leurs quartiers, assiégés depuis plus de quatre mois par l'armée et manquant de tout.

«Course contre la montre»

L'Unicef s'est particulièrement inquiétée du sort des enfants qui sont selon elle environ 19 000 à avoir fui Alep-Est depuis le 24 novembre.

«Le plus urgent maintenant est de fournir l'aide dont ces enfants et leur famille ont un cruel besoin», a dit Christophe Boulierac, porte-parole de l'Unicef: «C'est une course contre la montre, car l'hiver est là».

L'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura en a appelé à «l'influence de la Russie ou de l'Iran», les alliés du régime, pour convaincre Bachar al-Assad «d'ouvrir une vraie négociation» en dépit de ses succès.

Le régime ne reprend pas seulement du terrain à Alep. Il a aussi pris le contrôle ces dernières semaines de plusieurs localités autour de la capitale Damas, après des accords ponctuels passés avec les insurgés.

Quelque 2000 personnes, dont des rebelles et leurs familles, ont quitté vendredi Al-Tal, au nord de Damas, pour la province d'Idleb (nord-ouest), contrôlée en quasi-totalité par les rebelles, selon l'OSDH. C'est la sixième ville ainsi évacuée en trois mois.

Ces évacuations ont été dénoncées par des ONG et l'ONU comme une stratégie d'évacuation «forcée».

Déclenchée avec la répression de manifestations pacifiques contre le régime, la guerre en Syrie est devenue de plus en plus complexe avec l'intervention des grandes puissances et des groupes djihadistes sur un territoire morcelé.