Les forces du régime syrien progressaient vendredi dans les quartiers rebelles d'Alep, bombardés sans relâche par l'aviation syrienne et son allié russe, à la veille d'une réunion internationale en Suisse pour tenter de mettre fin au bain de sang.

La rencontre est prévue samedi à Lausanne entre les chefs de la diplomatie russe et américaine, Sergueï Lavrov et John Kerry, et devrait inclure la Turquie, l'Arabie saoudite et peut-être le Qatar, parrains régionaux de l'opposition armée au régime du président syrien Bachar al-Assad.

Cependant, M. Lavrov s'est montré sceptique sur un possible progrès à Lausanne. «Je n'attends rien de spécial», a-t-il lancé lors d'une visite en Arménie.

Le président français François Hollande a rappelé vendredi les «exigences» de la France dont un cessez-le-feu immédiat et l'acheminement immédiat de l'aie humanitaire».

Mais en Syrie, pour la troisième semaine consécutive, des bombardements ravageaient la partie rebelle de la deuxième ville du pays, cible depuis le 22 septembre d'une offensive d'envergure de l'armée syrienne pour la reconquérir.

Des frappes aériennes très intenses ont à nouveau visé vendredi plusieurs quartiers d'Alep-Est (le secteur aux mains des rebelles), a indiqué à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui n'était pas en mesure de donner le nombre de morts dans l'immédiat.

«À n'importe quel prix»

«La violence des raids démontre qu'il y a une décision russe pour prendre Alep-Est à n'importe quel prix», a souligné M. Abdel Rahmane, selon lequel la stratégie russe «est d'ouvrir une route vers l'aéroport situé dans l'est de la ville».

À la faveur des raids, les forces du régime ont avancé du nord vers le sud d'Alep, a indiqué l'OSDH. Débordés, les Casques blancs, les secouristes en zone rebelle, sont à l'oeuvre sans relâche jour et nuit.

«Il y a une grande escalade», a affirmé à l'AFP l'un d'eux, Ibrahim Abou Laith. «Cela fait quatre jours que je ne dors pas en raison des bombardements», confie-t-il.

Selon le correspondant de l'AFP à Alep, les Casques blancs ne peuvent utiliser leurs torches à la nuit tombée car la lumière attire les frappes des avions militaires. Les habitants n'osent pas allumer la lumière chez eux pour ne pas être visés.

Dans le quartier-Est de Boustane al-Qasr, les secouristes tentent tant bien que mal de dégager des corps qui se trouvent depuis des jours sous les gravats, a-t-il ajouté.

Dans la partie rebelle assiégée où vivent 250 000 habitants, plus de 370 personnes, essentiellement des civils dont 68 enfants, ont été tuées depuis le 22 septembre dans les bombardements aériens et d'artillerie, selon l'OSDH.

La Russie s'est dite prête jeudi à assurer aux rebelles un retrait en toute sécurité d'Alep, tout en renforçant sa présence militaire en Syrie.

Alep comme «tremplin»

Le président Vladimir Poutine a ratifié un accord entre Damas et Moscou sur le déploiement «pour une durée indéterminée» des forces aériennes russes sur l'aérodrome militaire de Hmeimim, dans l'ouest de la Syrie, a annoncé vendredi le Kremlin.

Dans une interview au quotidien russe Komsomolskaya Pravda publiée vendredi, Bachar al-Assad a déclaré qu'il utiliserait une victoire à Alep comme un «tremplin» pour capturer d'autres bastions rebelles.

«En tant que grande ville, elle sera un tremplin pour (...) libérer d'autres zones des terroristes», a-t-il déclaré. Le régime syrien qualifie de «terroriste» tous les opposants qui le combattent.

Le président syrien a précisé que sa prochaine cible pourrait être la province d'Idleb (nord-ouest), contrôlée par une alliance de rebelles et de jihadistes. «Il faut continuer de nettoyer cette zone et de renvoyer les terroristes en Turquie, d'où ils sont venus, ou de les tuer. Il n'y a pas d'autre option», a déclaré M. Assad.

Depuis mars 2011, le conflit en Syrie s'est complexifié et internationalisé, provoquant la mort de plus de 300.000 personnes et dévastant le pays. Plus de 13,5 millions de Syriens, dont six millions d'enfants, ont besoin d'aide humanitaire, selon l'ONU.

Et la communauté internationale s'avère toujours incapable d'arrêter le bain de sang qui dure depuis plus de cinq ans.

Les États-Unis et la Russie, qui avaient «suspendu» début octobre leur dialogue sur la Syrie, ont annoncé deux réunions internationales avec des puissances arabes et européennes: la première samedi à Lausanne, la seconde dimanche à Londres.

La semaine dernière, la Russie avait mis son veto à une résolution française au Conseil de sécurité de l'ONU, qui prévoyait un cessez-le-feu à Alep et l'interdiction de tout survol militaire.

Après Lausanne, M. Kerry se rendra dimanche à Londres pour retrouver ses «partenaires internationaux» - très probablement ses homologues des puissances européennes, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France.