Le secteur rebelle d'Alep a été privé lundi de son plus grand hôpital, complètement détruit par des raids menés dans le cadre d'une vaste offensive que mène le régime depuis onze jours sur cette deuxième ville de Syrie avec le soutien de la Russie.

Et quelques jours après que Moscou eut accusé Washington de « protéger » l'organisation djihadiste Front Fateh al-Cham (l'ex-Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda). Le groupe djihadiste a annoncé lundi la mort de l'un de ses responsables dans une frappe aérienne de la coalition menée par les États-Unis, dans un communiqué sur son compte Telegram.

« Ahmed Salama, dit Abou Faraj l'Égyptien, membre du conseil de la choura (conseil consultatif, NDLR) du Front Fateh al-Cham, est tombé en martyr à la suite d'un raid aérien de la coalition internationale dans l'ouest de la province d'Idleb » (nord-ouest), a indiqué le communiqué. Le Pentagone avait peu auparavant fait état d'une frappe aérienne américaine ayant visé un membre « important » d'Al-Qaïda en Syrie. Peu après cette annonce, Washington a fait état de la suspension de ses pourparlers avec Moscou sur le cessez-le-feu en Syrie.

Dans le secteur rebelle de la ville septentrionale d'Alep, décrit comme « l'enfer sur Terre » par l'ONU qui évoque « la plus grave catastrophe humanitaire jamais vue en Syrie », le plus grand hôpital a été complètement détruit par des raids.

Moscou s'est félicité de la « grande efficacité » de ses frappes, démentant tout bombardement d'hôpital ou d'école malgré les accusations des Occidentaux.

« L'hôpital a été visé directement par des raids aériens », a indiqué à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

« L'hôpital M10, le plus grand d'Alep-Est (...) a été détruit, et n'est plus en service de manière permanente », a tweeté pour sa part Adham Sahloul, de SAMS (Syrian American Medical Society), une ONG médicale qui soutient l'hôpital.

« Peur pour le personnel »

« L'hôpital n'est plus utilisable. Selon le personnel et les médecins, il ne peut plus être réhabilité », a-t-il dans un communiqué à la presse.

« On a peur que l'immeuble s'effondre sur la partie souterraine de l'hôpital » (...) nous avons peur pour le personnel », a ajouté M. Sahloul.

D'après SAMS, le bombardement a fait trois morts parmi les employés de maintenance de l'hôpital, connu sous le nom de code M10 pour des raisons de sécurité. L'OSDH rapporte de son côté la mort confirmée de deux employés, « un troisième se trouvant encore sous les décombres ».

M10 a été visé à plusieurs reprises par des raids aériens, notamment samedi.

L'Observatoire n'est pas en mesure de confirmer s'il s'agit d'avions du régime ou de son allié russe, qui mènent une campagne de frappes aériennes sans relâche sur le secteur rebelle d'Alep.

Depuis son lancement le 22 septembre, cette campagne militaire a permis aux forces progouvernementales de grignoter du terrain aux rebelles dans le centre et le nord d'Alep, avec des bombardements qui ont fait au moins 220 morts selon l'OSDH.

Divisée depuis 2012 entre secteur Ouest contrôlé par le régime et des quartiers Est aux mains des rebelles, Alep est devenue le principal front du conflit syrien, qui a fait plus de 300 000 morts en cinq ans.

Environ 250 000 personnes, dont 100 000 enfants, vivent dans les quartiers Est, assiégés par le régime, selon l'ONU.

« Les accusations selon lesquelles la Russie aurait bombardé des installations médicales, des hôpitaux ou des écoles sont toutes sans fondement », a indiqué un vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov, estimant que l'intervention des forces aériennes russes avait aidé à « éviter un chaos absolu » en Syrie.

Douma, un 2e Alep ?

Sur d'autres champs de bataille dans le pays, la rébellion perd également du terrain dans la province de Damas, où la ville rebelle de Douma a été la cible de raids intenses, ses habitants craignant de subir le même sort qu'Alep.

Ces bombardements s'inscrivent dans le cadre d'une offensive gouvernementale lancée il y a cinq mois et qui a rogné progressivement le territoire contrôlé par la rébellion dans cette région.

Soutenues par des milices libanaise, afghane et même iranienne, les forces loyalistes se situent désormais à trois kilomètres à l'est de Douma, la plus grande ville rebelle de la Ghouta orientale.

« Les gens ne savent pas ce qui va leur arriver (...). On pourrait devenir comme Alep-Est », confie Mohammad, un militant de la ville assiégée depuis 2013.

Comme d'autres habitants, il se « prépare au pire ». Ils s'affairent à aménager des abris souterrains et font des réserves de matériel médical.

Et dans le centre du pays, le groupe djihadiste État islamique (EI) a revendiqué des attentats-suicides lundi dans la ville d'Hama contrôlée par le régime, faisant au moins deux morts.

Il s'agit d'attentats extrêmement rares dans cette ville depuis le début de la guerre en Syrie en 2011.

Ils interviennent au moment où une coalition de rebelles et de djihadistes, rivaux de l'EI, avancent rapidement depuis un mois dans la province éponyme, où ils ont pris une quarantaine de villages et localités.

Sur le plan diplomatique, le Conseil de sécurité de l'ONU étudiait lundi un projet français de résolution visant à instaurer un cessez-le-feu à Alep depuis l'échec d'un accord initié par les Américains et les Russes.