Alep était toujours meurtrie jeudi par d'intenses combats malgré une proposition de «pause humanitaire» russe jugée insuffisante par l'ONU, au moment où la Turquie proposait à Moscou de lutter ensemble contre les jihadistes en Syrie.

Outre des frappes contre les rebelles dans la ville d'Alep (nord), l'aviation russe, alliée du président Bachar al-Assad, a également bombardé durement jeudi Raqa, capitale de facto du groupe Etat islamique (EI) en Syrie, tuant 30 personnes dont 24 civils, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

À Alep, deuxième ville de Syrie devenue enjeu crucial d'une guerre qui a fait plus de 290 000 morts depuis 2011, Moscou a affirmé avoir décidé de suspendre chaque jour ses frappes durant trois heures, de 10 h à 13 h locales ouvrant une «fenêtre» pour l'entrée d'aide humanitaire.

Environ 1,5 million de personnes vivent dans l'angoisse d'un siège dans cette ville divisée, 250 000 dans la partie contrôlée par les rebelles à l'est et environ 1,2 million à l'ouest dans les quartiers tenus par le pouvoir syrien.

Mais selon le correspondant de l'AFP à Alep, aucun ravitaillement n'est arrivé dans la cité jeudi, les combats se concentrant sur le sud de la ville, sur la route que les rebelles avaient ouverte samedi pour briser le siège de leurs quartiers.

La Russie est prête à discuter d'un allongement de la «pause humanitaire» de trois heures qu'elle a proposée, a annoncé jeudi l'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura.

Il a jugé que cette proposition «unilatérale» de Moscou était insuffisante pour acheminer l'aide nécessaire aux habitants et réclamé de nouveau une trêve de 48 heures.

Selon l'agence de presse syrienne Sana, quatre civils ont été tués jeudi par des tirs de roquette rebelles sur des quartiers pro-régime.

Si les habitants continuent de souffrir de coupures d'électricité, «l'eau, qui était coupée depuis six jours est revenue jeudi dans certains quartiers est et ouest (rebelles et gouvernementaux) grâce à l'arrivée de diesel acheminé par le Croissant-rouge à la station de pompage de Sleimane al-Halabi, dans un quartier rebelle, selon le correspondant de l'AFP.

Quinze des 35 médecins encore présents dans la partie rebelle de cette ville, ont de leur côté décrit dans une lettre adressée au président américain Barack Obama leur impuissance face à la mort et à «l'agonie des enfants».

«Sans l'ouverture permanente d'une voie d'approvisionnement nous serons dans peu de temps de nouveau assiégés par les forces du régime, la famine se répandra et les produits hospitaliers se tariront complètement», préviennent-ils.

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault s'est de son côté dit «préoccupé par les informations faisant état» d'une attaque chimique à Alep le 10 août, qui aurait fait quatre morts et des dizaines de blessés.

Interrogé à ce sujet à Genève, l'envoyé de l'ONU a déclaré: «Ce n'est pas à moi de trancher la question de savoir si elle a vraiment eu lieu, même s'il y a beaucoup de preuves tendant à démontrer que c'est le cas».

La Russie veut une base aérienne

Par ailleurs, la Turquie a proposé à Moscou de lutter ensemble contre les jihadistes de l'EI en Syrie.

Les deux pays soutiennent des camps différents en Syrie, Moscou, Bachar al-Assad alors qu'Ankara appuie les rebelles.

Mais dans la foulée du réchauffement récent des relations, une délégation de trois responsables turcs représentant l'armée, le renseignement et les affaires étrangères se trouvait en Russie jeudi pour des discussions notamment sur la Syrie, a précisé le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu.

«Nous allons discuter de tous les détails. Nous avons toujours appelé la Russie à des opérations anti-Daech (...) notre ennemi commun», a dit M. Cavusoglu, utilisant un acronyme en arabe de l'EI.

Ce groupe ultra-radical est accusé d'avoir commis des attentats sanglants en Turquie et il a menacé aussi la Russie. Les Américains avaient aussi proposé à la mi-juillet aux Russes une plus grande coopération contre «le fléau terroriste», notamment à travers un centre de commandement commun en Jordanie.

Moscou a souligné jeudi avoir «détruit une usine d'armes chimiques dans la banlieue nord-est» de Raqa, un entrepôt d'armes et un camp d'entraînement de l'EI.

La Russie envisage par ailleurs de transformer en base aérienne permanente son aérodrome militaire de Hmeimim, dans le nord-ouest de la Syrie, qui abrite ses avions utilisés pour des frappes contre les jihadistes, a annoncé jeudi un sénateur russe.

«Une fois son statut légal défini, Hmeimim deviendra une base militaire russe. Des infrastructures appropriées y seront construites et nos militaires y vivront dans des conditions dignes», a déclaré Franz Klintsevitch, vice-président du comité pour la Défense au sein du Conseil de la Fédération (chambre haute), dans un entretien au quotidien Izvestia.