Des milliers de civils ont fui ces 48 dernières heures les violences dans le nord de la Syrie où des combats opposant le régime à des groupes djihadistes et rebelles fragilisent un peu plus le cessez-le-feu.

La région d'Alep est le théâtre de combats de plus en plus violents entre de nombreux acteurs, dont les forces du régime de Bachar al-Assad qui cherche notamment à isoler les rebelles qui contrôlent plusieurs quartiers de la deuxième ville du pays.

Initiateurs avec Moscou de la trêve entre régime et rebelles qui avait permis depuis fin février une diminution des violences, les États-Unis se sont dit jeudi «très préoccupés» par l'«offensive» près d'Alep des forces progouvernementales.

200 morts en une semaine

Plus de 200 combattants de différentes forces armées ont été tués depuis dimanche dans les combats faisant rage dans la province d'Alep, a affirmé vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Parmi les victimes figurent 82 militaires et miliciens prorégime, 94 djihadistes du Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda, et leurs alliés islamistes, ainsi que 34 ultra-radicaux du groupe État islamique (EI), précise l'Observatoire.

Il s'agit d'une des batailles les plus féroces et les plus complexes, car toutes les forces engagées dans le conflit syrien y sont impliquées.

«Ainsi, 50 combattants prorégime et 61 membres d'Al-Nosra et rebelles ont été tués près d'Al-Eis, une localité prise par les rebelles dans le sud de la province d'Alep», indique l'Observatoire.

«En outre, 20 membres d'Al-Nosra et rebelles ont péri ainsi que 14 combattants prorégime près de Handarat, au nord de la ville d'Alep», ajoute l'OSDH.

«De plus, 18 soldats et miliciens prorégime ont perdu la vie ainsi que 10 membres de l'EI près de Khanasser, dans l'est de la province», souligne cette ONG.

«Enfin, 13 rebelles et 24 membres de l'EI ont été tués dans des combats dans le nord de la province près de la frontière avec la Turquie», selon l'OSDH.

Pourparlers à Genève

À Genève, où se tiennent les pourparlers pour un règlement politique, l'émissaire spécial de l'ONU pour la Syrie a quant à lui fait part de sa frustration au sujet des difficultés de l'accès humanitaire dans un pays ravagé par cinq années d'un conflit qui a fait plus de 270 000 morts et jeté sur les routes plus de la moitié de la population.

Le flux de déplacés a encore grossi, 30 000 civils ayant fui en 48 heures les combats entre l'EI et des groupes rebelles dans des secteurs de la province d'Alep bordant la frontière turque, selon Human Rights Watch (HRW) qui a appelé la Turquie à leur ouvrir sa frontière.

L'EI s'est emparé jeudi dans cette zone de six villages tenus par les rebelles, dont le plus important, Hiwar Kallis, selon l'OSDH.

«Alors que les civils fuient les combattants de l'EI, la Turquie répond par des tirs à balles réelles», a dénoncé Gerry Simpson, chercheur à HRW, dans un communiqué, déplorant que les déplacés soient «pris au piège du mauvais côté d'un mur de ciment».

HRW souligne que nombre de ces personnes étaient déjà installées dans des camps établis le long de la frontière, et se dirigeaient désormais vers d'autres camps ou localités proches où la situation est aussi dangereuse.



Collines stratégiques

Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) a fait état pour sa part de 21 000 à 23 000 civils ayant fui ces combats et se dirigeant notamment vers Azaz, à quelques kilomètres plus à l'ouest.

Des dizaines de milliers de civils avaient déjà trouvé refuge dans la région d'Azaz en janvier et février.

Un responsable humanitaire de l'ONU s'est dit jeudi «extrêmement inquiet» de la situation globale dans la province d'Alep, où «il y a eu une augmentation significative des cas de violences qui continuent d'aggraver la situation humanitaire».

Au sud de la ville d'Alep, l'OSDH a fait état de violents combats entre l'armée, soutenue par des milices prorégime, et l'EI près de Khanasser.

Dans le même temps, l'armée et ses supplétifs affrontent le Front al-Nosra et ses alliés rebelles sur les collines de Handarat, un secteur stratégique à quelques kilomètres au nord d'Alep longeant la route d'approvisionnement des rebelles qui tiennent plusieurs quartiers de la ville, selon la même source.

Médecin tué

En 24 h, ces combats ont fait 14 morts parmi les forces du régime et 20 parmi les djihadistes d'Al-Nosra et les rebelles, précise l'Observatoire.

À Washington, un haut responsable américain a estimé que l'«offensive» du régime syrien près d'Alep «pourrait violer la cessation des hostilités».

Par ailleurs, les États-Unis ont dit jeudi leur indignation après la mort d'un médecin syrien dans une frappe aérienne, le département d'État affirmant que le docteur Hassan al-Araj avait été tué par un raid visant une voiture dans une zone reculée et que l'aviation russe opérait dans le secteur.

Selon l'OSDH, le médecin est mort dans un raid aérien sur un secteur proche d'un hôpital qui se trouve non loin de la ville d'Hama, au sud d'Alep.

À Genève, où les négociateurs du régime étaient attendus vendredi, l'émissaire de l'ONU a indiqué que Damas imposait des restrictions à la livraison d'aides dans des localités assiégées, malgré des résolutions du Conseil de sécurité sur l'accès à ces zones.

Les négociations indirectes parrainées par l'ONU ont repris mercredi à Genève avec l'objectif de rapprocher les positions - diamétralement opposées - du régime et de l'opposition sur un scénario de transition politique en Syrie.