Le régime syrien a prévenu samedi que le sort du président Bachar al-Assad était une «ligne rouge» et a exclu d'aborder cette question avec l'opposition lors des négociations indirectes prévues à partir de lundi à Genève.

Alors que la guerre dévastatrice en Syrie entre le 15 mars dans sa sixième année, le sort de M. Assad reste l'une des principales pommes de discorde entre le régime et l'opposition qui exige, comme ses alliés étrangers, son départ.

L'opposition a même durci sa position avant l'ouverture des pourparlers en déclarant que pour elle toute transition politique en Syrie devait commencer par le départ de M. Assad du pouvoir ou bien par sa mort.

«Nous considérons que la période de transition doit débuter avec la chute ou la mort de Bachar al-Assad», a déclaré à deux agences de presse dont l'AFP le négociateur en chef de l'opposition syrienne, le chef rebelle salafiste Mohammed Allouche.

Cette transition «ne peut pas commencer avec la présence de ce régime ou avec le chef de ce régime encore en place», a ajouté M. Allouche au cours d'une interview dans un grand hôtel de Genève.

L'ONU n'avait pas réussi à faire démarrer les pourparlers début février. Cette fois, ce démarrage est rendu possible par une trêve sans précédent entre armée et rebelles, initiée par Washington et Moscou et globalement respectée depuis son entrée en vigueur le 27 février.

L'issue des discussions reste très incertaine tant le fossé est grand entre le régime, soutenu par la Russie et l'Iran, et l'opposition appuyée par les Occidentaux, en premier lieu les États-Unis, ainsi que la Turquie et des pays arabes.

«Nous ne négocierons avec personne qui veut discuter de la présidence. Bachar al-Assad est une ligne rouge et si (les dirigeants de l'opposition) veulent continuer avec cette position, c'est mieux qu'ils ne viennent pas» à Genève, a lancé le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, lors d'une conférence de presse à Damas, avant que ne soient connues les déclarations de M. Allouche.

L'opposition à Genève

À l'ordre du jour des discussions prévues du 14 au 24 mars, «un nouveau gouvernement inclusif, une nouvelle Constitution et de nouvelles élections» législatives et présidentielle qui doivent être organisées dans les 18 mois sous l'égide des Nations unies, selon l'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura.

Le Haut comité des négociations (HCN), qui rassemble les groupes clés de l'opposition, insiste, lui, sur la «constitution d'un corps exécutif transitoire doté de tous les pouvoirs exécutifs» et dans lequel M. Assad «n'a pas sa place».

Le négociateur en chef Mohammed Allouche et le président de la délégation de l'opposition, Assad al-Zoabi, sont arrivés samedi à Genève au moment où le régime menaçait de ne pas participer aux discussions si l'opposition n'était pas sur place lundi.

Par ailleurs, le chef de la diplomatie syrienne s'est montré agacé par les propos de M. de Mistura sur les élections, en soulignant que celui-ci n'avait «pas le droit de discuter de la présidentielle». «C'est du seul ressort du peuple syrien», a-t-il dit.

Avant le lancement des discussions intersyriennes, le secrétaire d'État américain John Kerry a annoncé que des observateurs russes et américains se pencheraient sur les quelques violations de la trêve lors de réunions à Genève et Amman.

Réunion multilatérale à Paris

«Le niveau de la violence a été réduit de 80% à 90%, ce qui est très significatif», a dit M. Kerry en Arabie saoudite, avant d'arriver à Paris pour y rencontrer dimanche ses homologues français, allemand, britannique et italien pour faire le point sur la Syrie.

Pour lui, les pourparlers de Genève marquent «une étape cruciale pour une solution politique» du conflit qui a fait en près de cinq ans plus de 270.000 morts, poussé à la fuite la moitié de la population et provoqué une catastrophe humanitaire avec notamment une crise migratoire qui a atteint les portes de l'Europe.

Mais même en cas de progrès à Genève, les groupes djihadistes Etat islamique (EI) et Front Al-Nosra, qui contrôlent la moitié du territoire syrien, continueront de combattre. Exclus de la trêve, ils restent la cible des frappes de la Russie et de celles de la coalition internationale dirigée par les États-Unis.

Déclenché par des manifestations pacifiques pro-démocratie réprimées dans le sang par le régime, le conflit est devenu complexe avec l'entrée en jeu des djihadistes et des puissances internationales et régionales.