Les principaux protagonistes de la guerre en Syrie se sont mutuellement accusés dimanche d'avoir violé le cessez-le-feu entré en vigueur samedi tout en reconnaissant que cette trêve était toujours globalement respectée au deuxième jour.

Dans les grandes villes, les habitants sont sortis dimanche matin après une nuit paisible pour faire leurs emplettes, goûtant à un calme inhabituel. Dans les quartiers rebelles d'Alep (nord), les élèves habitués à raser les murs pour éviter les bombardements marchaient dimanche au milieu de la chaussée, selon des correspondants de l'AFP.

Le général Sergueï Kouralenko, responsable du Centre russe pour la réconciliation des parties belligérantes en Syrie, a accusé les insurgés d'avoir enfreint à neuf reprises l'accord de cessation des hostilités initié par Washington et Moscou, ajoutant aussitôt que «de manière générale, le cessez-le-feu en Syrie (était) en train d'être mis en place».

Pour sa part, Riad Hijab, le coordinateur général du Haut comité des négociations (HCN), un organisme qui regroupe les principaux mouvements rebelles syriens, a envoyé une lettre au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon où il fait état de 24 violations avec un bilan de 29 morts. Il a accusé «les Russes, le régime, l'Iran et d'autres forces étrangères d'avoir commis des actes d'hostilités malgré la trêve». Selon lui, l'aviation russe aurait mené 26 raids dimanche.

Mais «globalement, c'est bien mieux qu'avant et les gens se sentent bien», a souligné pour sa part le porte-parole du HCN Salem al-Meslet depuis Ryad.

L'Arabie saoudite, qui soutient l'opposition syrienne, a de son côté accusé les aviations russe et syrienne d'avoir violé la trêve.

Des avions ont bombardé dimanche à l'aube six localités de la province d'Alep (nord) et une de celle de Hama (centre), selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Son directeur, Rami Abdel Rahmane, a précisé que les raids avaient fait un mort. Selon lui, un seul des villages visés, Kafar Hamra, est contrôlé par les djihadistes du Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda. Les autres sont aux mains de rebelles mais des djihadistes se trouvent dans les environs.

L'accord de trêve concerne seulement les zones de combat entre les forces du régime, appuyées par leur allié russe, et les rebelles syriens et exclut les groupes djihadistes État islamique (EI) et Al-Nosra, qui contrôlent plus de 50% du territoire syrien.

«Calme exceptionnel» 

Le directeur de l'agence de presse pro-rebelle Sahba a affirmé à l'AFP que ces raids avaient été menés par des avions russes. «Il s'agit d'une violation flagrante de l'accord car, par exemple à Darat Azza, les avions ont visé une boulangerie. Croient-ils que les combattants d'Al-Nosra vont y chercher leur pain le matin?», a affirmé Maamoun al-Khatib.

Ni les États-Unis, ni la Russie, ni le régime, ni l'opposition n'avaient encore réagi à ces raids.

Pour sa part, un haut responsable américain, a estimé dimanche qu'il fallait «donner une chance» au cessez-le-feu. «Les complications sont inévitables. Même dans les circonstances les meilleures, nous ne nous attendons pas à ce que la violence cesse immédiatement», a-t-il déclaré dans un email à l'AFP.

La prudence était aussi de mise du côté du régime. «Il faut attendre deux ou trois jours pour s'assurer de la pérennité de l'arrêt des hostilités et de l'engagement des parties concernées», a écrit dimanche Al-Watan, journal proche du pouvoir à Damas.

Dans le secteur est d'Alep, tenu par les rebelles et où il gère une boulangerie, Abou Omar trouve presqu'«étrange» de ne plus entendre les canons.

Espérant profiter du maintien du cessez-le-feu, le coordinateur humanitaire de l'ONU en Syrie Yacoub el Hillo a annoncé dimanche soir qu'il prévoyait «la livraison d'aide dès lundi et dans les jours suivants à la ville rebelle de Mouadamiyat al-Cham», dans la banlieue de Damas, assiégée par les forces du régime syrien.

Au total, l'ONU prévoit, en plus des opérations en cours, «de livrer de l'aide pour environ 154 000 personnes des villes assiégées dans les cinq prochains jours», a-t-il ajouté, rappelant que les Nations unies attendait le feu vert des parties au conflit «pour aider environ 1,7 million de personnes situées dans des zones difficilement accessibles».

Une journaliste de l'AFP a constaté que le calme était total aux abords de Damas alors que les rues de la capitale étaient très animées.

Abou Jamal, qui possède un magasin de légumes à Mazzé, dans l'ouest de Damas, voudrait maintenant aussi «une trêve dans les embouteillages qui paralysent la ville, une trêve dans les coupures d'électricité et surtout une trêve dans les prix qui ne cessent d'augmenter».

Au Vatican, le pape François a exprimé dimanche «son espérance» que l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu en Syrie puisse mettre fin à une guerre qui a fait au moins 270 000 morts et contraint la moitié de la population à quitter son foyers.