Le Front al-Nosra, branche d'Al-Qaïda en Syrie, exclue de l'accord de cessez-le-feu comme son rival le groupe État islamique (EI), est une organisation djihadiste aguerrie aux combats, bien organisé et allié avec la rébellion anti-Assad.

Son chef, Mohammad al-Joulani, a appelé vendredi les rebelles à rejeter l'accord de trêve russo-américain prévu pour entrer en vigueur samedi et à intensifier le combat contre le régime de Bachar Al-Assad, dans un message audio diffusé vendredi.

«Méfiez-vous de cette tromperie de l'Occident et de l'Amérique, car tout le monde vous pousse à revenir sous la coupe du régime oppresseur», a indiqué le chef de la branche syrienne d'Al-Qaïda dont les forces combattent aux côtés des rebelles dans plusieurs régions du pays.

Ce groupe est apparu officiellement en janvier 2012, soit huit mois après le début de la révolte pacifique contre le régime de Bachar Al-Assad, réprimée dans le sang, qui s'est ensuite transformée en conflit dévastateur.

Il est d'abord un prolongement de l'État islamique d'Irak (EII), branche irakienne d'Al-Qaïda et ancêtre de l'EI, et son chef actuel, un Syrien qui a pris le nom guerre d'Abou Mohammad al-Joulani, a fait ses premières armes en Irak où il est devenu un chef dans la province de Ninive, une place forte des djihadistes dans le nord, notamment dans sa capitale Mossoul.

En avril 2013, le Front al-Nosra refuse de fusionner avec l'État islamique (EI) et prête allégeance au chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri. En novembre, ce dernier proclame cette organisation comme l'unique branche d'Al-Qaïda en Syrie.

Des combats violents l'opposent à l'EI qui le chasse de son fief de Deir Ezzor, une province de l'est riche en pétrole.

7000 à 8000 combattants

Les combattants d'Al-Nosra tournent autour de 7000 à 8000 selon Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie. «Il y a pas mal d'étrangers parmi les cadres et dans une moindre mesure parmi les combattants». Pour Aymenn al-Tamimi, chercheur sur les mouvements djihadistes en Syrie et en Irak, ils sont entre 5000 et 10 000 dont 80 % de Syriens.

«Il n'y a pas de territoire contrôlé de manière exclusive par Al-Nosra. Même dans les régions où ils sont très influents, comme certaines parties de la province d'Idleb (nord-ouest), d'autres groupes coexistent avec eux, estime Thomas Pierret.

Selon lui, son «centre de gravité» est la province d'Idleb et par extension le sud de la province septentrionale d'Alep. Le chef d'Al-Nosra avait même affirmé son ambition en juillet 2014 de constituer un «émirat islamique» à l'instar du «califat», proclamé juste avant par l'EI dans la province syrienne de Raqqa et à Mossoul en Irak.

«D'une manière générale, il est beaucoup moins influent dans le Sud (...) c'est un acteur mineur sur le front sud (Deraa et Qouneitra) et dans les banlieues de Damas», note M. Pierret.

Des djihadistes attachés à Al-Qaïda

Le financement du groupe est assez obscur. Pour Aymenn al-Tamimi, «le Front al-Nosra a des relations avec les services de renseignement turcs et des donateurs du Golfe».

Selon Thomas Pierret, «le Qatar a longtemps toléré des levées de fonds privés au profit d'Al-Nosra à partir de son territoire et la Turquie a facilité les opérations d'Al-Nosra le long de sa frontière».

Pour lui, Al-Nosra «demeure un groupe djihadiste transnational fermement attaché à son allégeance à Al-Qaïda» et qui a «toujours refusé de dialoguer avec l'opposition politique».

La différence entre Al-Nosra et l'EI tient, selon M. Pierret, à leurs relations avec les autres factions rebelles. «L'EI se considère comme l'État et estime que les autres groupes armés sont illégitimes tant qu'ils ne lui prêtent pas allégeance».

«Al-Nosra se comporte lui comme un groupe armé parmi d'autres, pouvant affronter certaines factions rebelles au nom de différends idéologiques, mais ne rejetant pas en principe la légitimité de l'existence d'autres groupes», résume l'analyste.

Selon Aymenn al-Tamimi, les deux groupes ont le même objectif, «à savoir créer un califat (...), mais Al-Nosra joue plus subtilement avec une approche à long terme en essayant de se constituer un soutien populaire».