Les organisations humanitaires tentent toujours d'évacuer 400 civils souffrant de malnutrition de la ville assiégée de Madaya en Syrie mais les négociations s'avèrent «compliquées», alors que l'ONU s'est alarmée de souffrances jamais vues en cinq ans de conflit.

Le coordinateur humanitaire de l'ONU en Syrie Yacoub el Hillo a réclamé mardi la levée rapide des sièges des villes syriennes, faute de quoi, a-t-il averti, de nombreux habitants vont mourir.

Après un tollé international provoqué par les informations sur la situation alarmante à Madaya, dans la province de Damas, le régime avait cédé en autorisant l'entrée lundi de 44 camions d'aides humanitaires dans la ville de 42.000 habitants soumise depuis six mois à un siège hermétique de l'armée.

En l'absence d'approvisionnement, des centaines d'habitants de Madaya «sont en grand danger de mort» car ils souffrent de malnutrition ou «d'autres problèmes médicaux», avait averti le patron des opérations humanitaires de l'ONU Stephen O'Brien. «400 personnes doivent être évacuées immédiatement».

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le Croissant Rouge et l'ONU ont tenu mardi des négociations pour l'évacuation de ces 400 civils malades, mais le porte-parole du CICR à Damas, Pawel Krzysiek, a parlé «d'un processus très compliqué» qui «va prendre du temps».

«Ce que nous avons vu (à Madaya) est assez horrible, il n'y avait pas de vie. Des rapports crédibles disent que des personnes sont mortes de faim. C'est sans comparaison par rapport à d'autres parties de la Syrie», a témoigné le représentant du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR), Sajjad Malik.

«Ce que nous avons vu à Madaya ne devrait pas exister à notre époque», a-t-il insisté, soulignant que les habitants manquaient de tout.

La situation est aussi «très préoccupante» à Foua et à Kafraya, deux localités chiites encerclées par les rebelles à plus de 300 km de Damas, dans la province d'Idleb (nord-ouest), où 21 camions d'aides sont aussi entrés lundi. Ces localités sont «sans eau potable, sans électricité et sans nourriture», a dit M. Krzysiek.

Il devrait y avoir une ou deux livraisons d'aide supplémentaires cette semaine pour les trois localités ainsi qu'à Zabadani, près de Madaya.

Mais ces aides ne suffisent pas car «les besoins sont immenses», a dit M. Hillo, présent à Damas, en souhaitant que «les livraisons continuent dans les mois à venir».

«Beaucoup d'autres (Syriens) vont mourir si le monde n'agit pas plus vite» en faveur des quelque 400 000 civils assiégés par l'armée, notamment à Madaya, ou par des groupes rebelles, a-t-il ajouté.

À Madaya, il a dit avoir vu des enfants «presque squelettiques», et a dénoncé une «tactique de guerre» utilisée par les belligérants.

Pour couvrir l'aide humanitaire à apporter en 2016 à 22,5 millions de civils vivant en Syrie ou aux réfugiés dans les pays voisins, l'ONU a lancé mardi un appel de fonds de 7,73 milliards de dollars

Selon un communiqué, cette somme doit couvrir les besoins de 13,5 millions de Syriens affectés ou déplacés par la guerre qui dure depuis près de cinq ans, ainsi que de 4,7 millions de réfugiés et de 4 millions de membres des communautés qui les accueillent.

Importante victoire du régime 

Sur le front, les forces du régime ont repris la localité stratégique de Salma dans l'ouest, qui était aux mains des rebelles depuis 2012.

«Nos unités de l'armée, en coordination avec les Forces de défense nationale (milice pro-régime), ont pris le contrôle total de Salma et des collines environnantes», a indiqué la télévision d'État.

Située à 800 m d'altitude, dans la province de Lattaquié, berceau de la famille Assad, cette localité était devenue le QG des rebelles islamistes et du Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), les forces prorégime ont bénéficié de l'appui essentiel de l'aviation russe.

Ailleurs dans le pays, 57 civils ont péri dans des raids probablement russes selon l'OSDH. Quatorze civils, dont trois enfants, sont morts à Minbej, tenu par le groupe djihadiste État islamique dans la province d'Alep. Et dans trois localités de la province d'Idleb, 43 civils, dont quatre enfants, ont été tués.

La guerre en Syrie a été déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations pacifiques réclamant des réformes. Opposant au départ le régime à des rebelles syriens elle s'est ensuite complexifiée avec l'implication de groupes djihadistes ainsi que des grandes puissances.

Plus de 260 000 personnes y ont péri et des millions ont été poussées à la fuite.

Mercredi, l'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura rencontrera les représentants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité à Genève en amont de négociations entre régime et opposition censées être lancées le 25 janvier pour tenter de mettre fin à la guerre.

- Avec Layal Abou Rahal