La Russie a augmenté ses livraisons d'armes à la Syrie en septembre. Vladimir Poutine y a envoyé 2000 soldats pour agrandir un aéroport et un port militaire. Des avions avancés russes, avec leurs pilotes, feront des frappes contre les rebelles. Pilotes russes et américains croiseront-ils le fer au Proche-Orient ? Quatre mots pour comprendre.

Ukraine

Le but de la Russie est de faire oublier son implication en Ukraine, selon plusieurs analystes. « Ça a marché », observe Mitchell Orenstein, un spécialiste de la Russie à l'Université de Pennsylvanie qui vient de publier un texte sur le sujet dans la revue Foreign Affairs. « Les États-Unis ont repris les discussions militaires de haut niveau. » L'objectif déclaré de Vladimir Poutine, combattre le terrorisme islamique, n'est pas une vraie priorité, selon Anna Borshchevskaya, une spécialiste de la Russie à l'Institut Washington, un groupe de réflexion, qui vient de publier sur le sujet dans la revue Foreign Policy. « Le but est de contrer les intérêts de l'Occident au Proche-Orient et au Moyen-Orient en créant un deuxième conflit figé où des troupes russes sont en position d'influer sur le cours des événements », dit-elle. En deuxième lieu, l'arrivée de soldats et d'armes russes en Syrie est une continuation de la stratégie de démontrer le potentiel des armements russes - stratégie présente en Ukraine - aux acheteurs potentiels de la région, selon Mme Borshchevskaya.

Israël

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, était lundi à Moscou pour rencontrer M. Poutine. « Nétanyahou espère que la présence russe en Syrie côtière limitera le transfert d'armes de l'Iran vers le Hezbollah, dit M. Orenstein. Il veut aussi convaincre la Russie de ne pas vendre de batteries antiaériennes avancées à l'Iran. Israël s'était d'ailleurs abstenu lors du vote de l'ONU sur l'intégrité territoriale ukrainienne. » Mme Borshchevskaya pense que les espoirs d'Israël seront déçus : « La Russie préfère aider les ennemis de l'Occident, l'Iran, plutôt que de détacher Israël des États-Unis. »

Orthodoxes

Le patriarche orthodoxe russe a établi des liens avec les communautés chrétiennes apostoliques, menacées de disparition en Syrie. « C'est en droite ligne avec la théorie de l'exceptionnalisme russe, souvent citée par Poutine, dit Mme Borshchevskaya. Ça fait un lien avec l'époque tsariste quand la Russie avait un rôle de protectrice des chrétiens orthodoxes du Proche-Orient. À l'époque de l'Union soviétique, plus de 100 000 Russes vivaient en Syrie. » La Russie inspire d'ailleurs plus confiance que les États-Unis aux chrétiens orthodoxes du Proche-Orient, note M. Orenstein. « Poutine veut mousser ce type de diplomatie peu coûteuse parce qu'il n'a vraiment pas les moyens de rétablir une présence russe en Méditerranée et au Moyen-Orient, dit-il. Lors d'une récente conférence sur la puissance navale russe, tous étaient d'accord que la Russie ne peut projeter son pouvoir naval que dans la mer Noire. La base navale de Tartous est utile, mais elle n'aura pas de fonction stratégique. »

État alaouite

La présence militaire russe va aider Bachar al-Assad à conserver les terres traditionnellement alaouites de la Syrie côtière, selon les deux experts interviewés par La Presse. « Ça pourrait être une monnaie d'échange intéressante pour la Russie car c'est une voie importante d'approvisionnement d'armes pour le Hezbollah, dit Mme Borshchevskaya. Comme la partition de la Syrie va poser la question d'un État kurde, au grand dam de l'Iran et de la Turquie, la Russie continue à prolonger le chaos. » Enfin, la présence militaire russe permet de sauvegarder les investissements des entreprises russes en Syrie, au moins 20 millions depuis le début de la guerre civile en 2011, selon Mme Borshchevskaya.