Les États-Unis sont ouverts à des discussions avec la Russie concernant la Syrie, a affirmé jeudi le porte-parole de la Maison-Blanche, au moment où Washington s'alarme d'une montée en puissance militaire de Moscou dans ce pays déchiré par la guerre.

«Nous restons ouverts à des discussions tactiques et pratiques avec les Russes afin de renforcer les objectifs de la coalition anti-État islamique et d'assurer la sécurité des opérations de la coalition», a déclaré Josh Earnest.

L'émissaire de l'ONU pour la Syrie s'est entretenu jeudi à Damas avec le régime et l'opposition de l'intérieur, au moment où Moscou affirme sa présence dans ce pays en proposant un dialogue «entre militaires» avec Washington.

L'arrivée du diplomate Steffan de Mistura à Damas intervient alors que l'Occident, submergé par l'arrivée des migrants, veut une solution politique au conflit quitte à trouver un compromis avec le président Bachar al-Assad, dont il exigeait le départ.

M. de Mistura n'a fait aucun commentaire après une rencontre avec le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem, mais ce dernier a insisté sur le fait que «la lutte contre le terrorisme» était «la priorité et le prélude à une solution politique», selon l'agence officielle Sana.

Bachar al-Assad et son allié russe Vladimir Poutine martèlent ce message en le liant à la crise des réfugiés, provoquée selon eux par l'avancée du groupe djihadiste État islamique (EI) en Syrie et Irak.

«Avec la crise des migrants, nous entendons des voix européennes plaider en faveur d'une coopération avec Assad et Poutine. L'idée d'une stabilité à tout prix gagne du terrain», constate Karim Bitar, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris.

M. Mouallem a précisé à son interlocuteur que Damas attendait plus de précisions sur son initiative de créer quatre comités thématiques avant de «prendre les décisions opportunes».

M. de Mistura avait assuré le ministre qu'il «s'agissait de quatre comités de réflexion et dont les résultats ne sont pas contraignants», a précisé à l'AFP sa porte-parole Jessy Chahine. Il s'agit d'un point essentiel pour les autorités syriennes, qui ne veulent pas avoir les mains liées.

L'émissaire de l'ONU avait proposé fin juillet une nouvelle approche sur la base de «discussions thématiques» entre Syriens. À la mi-août, son adjoint Ramzi Ezzedine Ramzi avait soumis à Damas un document de 60 pages présenté comme un «recueil d'idées» récoltées auprès d'interlocuteurs de l'opposition, du régime et de la société civile.

L'EI fustige les migrants

En réalité, pour le quotidien al-Watan, proche du pouvoir syrien, des divergences persistent entre Damas et Moscou d'une part, l'ONU de l'autre pour résoudre la crise.

Pour les premiers, «il n'y a pas de solution politique sans vaincre le terrorisme», un terme qui désigne tous les opposants à Assad.

Or, selon le journal, «le plan de l'émissaire onusien est aligné sur les positions de la Coalition de l'opposition syrienne, des États-Unis, de la Turquie et de l'Arabie saoudite qui veulent que la solution politique précède la lutte contre le terrorisme».

M. de Mistura a également obtenu l'accord de l'opposant de l'intérieur Hassan Abdel Azim pour que son groupe participe à ces comités.

«Le terrorisme est un phénomène que nous rejetons tous et le combattre demande avant tout un arrêt du conflit entre le pouvoir et l'opposition», a déclaré M. Abdel Azim.

La venue de M. de Mistura intervient au moment où se dessine une nouvelle phase dans cette guerre qui a fait 240 000 morts depuis 2011.

Jusque là discrète, la Russie affiche de plus en plus ouvertement sa présence militaire en Syrie aux côtés du régime face à la coalition internationale conduite par les États-Unis pour lutter contre l'EI.

Ainsi, Moscou a proposé à Washington d'ouvrir un dialogue «entre militaires» des deux puissances sur le conflit en Syrie, afin d'éviter en particulier tout incident entre forces armées américaines et russes sur le terrain, a révélé mercredi le secrétaire d'État John Kerry.

La Russie pousse ses pions alors qu'en Occident, «ceux qui pensent qu'Assad est un moindre mal se font de plus en plus entendre et se déclarent ouvertement en faveur d'un rapprochement avec lui pour combattre l'EI», note M. Bitar.

Sur le terrain, la guerre ne connait pas de répit. À Alep (nord), 53 personnes, dont 13 enfants et 2 femmes, ont été tuées en 24 heures dans des frappes de l'aviation syrienne. En outre, dans le fief de l'EI à Raqqa (nord), 18 civils et djihadistes ont péri lors de raids du régime, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

L'EI est, elle, sortie de son silence sur la crise des migrants en diffusant jeudi plusieurs vidéos sur le sujet.

Elles fustigent cette migration massive vers l'Europe comme allant à l'encontre de la «hijara», à savoir l'émigration vers la terre de l'Islam, en l'occurrence le califat autoproclamé en juin.

L'une des vidéos commente ainsi des images de réfugiés essayant de gagner l'Europe: «ils vont vivre soumis à des lois humiliantes au lieu de fuir vers la terre des musulmans pour y vivre dans la dignité et la sécurité».

- Avec Rim HADDAD

21 civils tués dans un bombardement

Au moins 21 civils dont deux enfants ont été tués jeudi par des barils d'explosifs largués par l'armée du régime syrien sur une ville tenue par les rebelles près de Deraa (sud), selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Des hélicoptères ont «largué des barils d'explosifs sur des quartiers de Bousra al-Cham dans la province de Deraa», tuant 21 civils dont quatre femmes et deux enfants, a indiqué l'ONG.

Les rebelles ont pris le contrôle total de Bousra al-Cham en mars. Cette conquête avait constitué un revers majeur pour les forces loyales au président Bachar al-Assad dans cette province où ont eu lieu les premières manifestations contre son régime en mars 2011.