La Russie a démenti jeudi le renforcement de sa présence militaire en Syrie après les inquiétudes exprimées par Washington concernant le déploiement récent de matériel et de soldats près de Lattaquié, fief alaouite du président Bachar al-Assad.

«Des experts militaires russes travaillent en Syrie, ils aident l'armée syrienne à apprendre à utiliser nos armes», a déclaré le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov lors d'une conférence de presse avec son homologue du Soudan du Sud, Barnaba Marial Benjamin.

Mais «la Russie ne prend actuellement aucune mesure supplémentaire» de renforcement de sa présence, a-t-il ajouté alors que Washington a exprimé depuis samedi à plusieurs reprises des signes d'inquiétude concernant un déploiement de matériel, notamment des préfabriqués pouvant accueillir des soldats et une tour de contrôle aérien mobile, près de Lattaquié, dans le nord-ouest de la Syrie.

«Et s'il devient nécessaire d'en prendre, nous le ferons en accord avec nos lois, avec le droit international, avec nos obligations internationales et uniquement sur demande et avec l'accord du gouvernement syrien et des gouvernements des autres pays de la région», a-t-il ajouté.

Le ministre russe des Affaires étrangères a cependant admis que les avions russes à destination de la Syrie, qui inquiétaient les Américains et la Bulgarie, transportaient non seulement de l'aide humanitaire, mais aussi de l'équipement militaire.

«Les avions envoyés par la Russie vers la Syrie contiennent des équipements militaires, conformément aux contrats existants (signés avec Damas), et de l'aide humanitaire», a déclaré Sergueï Lavrov, alors que Moscou a jusque-là toujours assuré qu'il ne s'agissait que d'aide humanitaire.

La Bulgarie, à qui Moscou avait demandé une autorisation de survol pour ses avions à destination de la Syrie, avait opposé un refus et émis des doutes sur le contenu des cargaisons.

«En fonction de ce que l'avion transporte, nous demandons l'autorisation en totale conformité avec les règles», a répété M. Lavrov.

Mercredi soir, des responsables américains avaient confié à l'AFP n'avoir aucun doute sur le renforcement du dispositif militaire russe en Syrie, où officiellement Moscou n'est présent que grâce à ses installations logistiques militaires dans le port de Tartous, sur les bords de la Méditerranée.

M. Lavrov a affirmé en avoir parlé mercredi avec le secrétaire d'État John Kerry.

«Kerry a dit quelque chose de très étrange. Il a dit que soutenir Assad dans sa lutte antiterroriste revenait à renforcer les positions de l'EI», a-t-il déclaré.

«C'est d'une logique absolument absurde», a dénoncé le chef de la diplomatie russe.

«La coalition menée par les États-Unis fait une erreur colossale en ne proposant pas à la Syrie de coopérer», a-t-il estimé. «L'armée syrienne est la force la plus efficace pour faire face sur le terrain à la menace terroriste».

Depuis plusieurs mois, Vladimir Poutine prône une double approche du conflit syrien: pousser les opposants syriens à unifier leurs positions pour négocier une sortie de crise politique avec Damas et créer une coalition militaire élargie à la Turquie, à l'Arabie saoudite et à l'armée régulière syrienne, pour combattre le groupe extrémiste État islamique. Cette initiative n'a pour le moment que peu de soutien.

Le président russe a en revanche toujours dit clairement qu'il n'était pas question, pour l'heure, que l'armée russe participe à des opérations militaires directes en Syrie.