Le gouvernement britannique, qui a autorisé à la mi-août une frappe de drone en Syrie contre des ressortissants partis grossir les rangs du groupe État islamique, se voit pressé de préciser les bases légales de son action.

Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme craignent que le premier ministre David Cameron n'ait décidé d'emboîter le pas à l'administration américaine en recourant aux drones pour éliminer de présumés terroristes. Et qu'il juge légitime de procéder contre les cibles de son choix sans supervision véritable, même lorsqu'elles sont citoyens britanniques.

«Il semble que le premier ministre dispose d'un pouvoir secret et incontestable qui lui permet de frapper n'importe où dans le monde sans avoir à donner de détails», ironise Kat Craig, responsable juridique de Reprieve, une ONG britannique qui dénonce les «exécutions extrajudiciaires» réalisées à partir de drones.

Selon Mme Craig, Londres semble avoir décidé d'adopter «sans réserve la rhétorique des États-Unis» et de copier son action en recourant à ces appareils pour éliminer sans procès, du haut des airs, des individus jugés suspects, incluant dans des pays où il n'est pas engagé militairement.

Recours aux tribunaux

Une autre ONG anglaise, Rights Watch, a annoncé hier qu'elle entendait avoir recours aux tribunaux pour forcer le gouvernement britannique à s'expliquer.

«Il est très important que le gouvernement agisse en toute transparence et publie les avis juridiques sur lesquels repose son action pour que le public puisse décider de sa légitimité. La dernière fois que nous avons omis d'étudier ces avis, nous avons fait la guerre en Irak», a déclaré la directrice de Rights Watch, Yasmine Ahmed, citée par The Guardian.

L'intervention de ces organisations survient après la révélation, lundi, qu'un drone anglais a tué le 21 août dernier deux ressortissants britanniques qui circulaient en voiture dans la région de Raqqa, en Syrie.

Le premier, Reyaad Khan, 21 ans, était originaire de Cardiff, au pays de Galles. Selon les autorités, il avait rejoint les rangs du groupe État islamique et préparait, depuis la Syrie, des attaques terroristes en sol britannique. L'autre militant présumé de l'EI tué ce jour-là, Ruhul Amid, âgé de 26 ans, était originaire d'Écosse.

David Cameron, qui a lui-même levé le voile sur ces développements, a affirmé que l'importance des attaques terroristes en préparation ne lui laissait pas le choix. Il a par ailleurs expliqué qu'il n'y avait aucun gouvernement fonctionnel dans la zone avec lequel il était possible de travailler pour procéder autrement que par les drones.

La nature exacte des attaques en question n'a pas été précisée par le premier ministre anglais, qui fait reposer l'intervention du pays sur le droit à l'autodéfense reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations unies.

Comptes à rendre

Le Royaume-Uni participe à la coalition internationale qui mène des frappes aériennes contre le groupe État islamique, mais n'a reçu l'approbation du Parlement que pour frapper l'Irak, rendant l'opération menée à la mi-août en Syrie encore plus délicate politiquement. Plusieurs élus de l'opposition ont d'ailleurs demandé des comptes, hier, à David Cameron.

Ces réserves n'ont pas semblé entamer la détermination du gouvernement britannique, qui évoque ouvertement la possibilité de récidiver au besoin contre d'autres cibles soupçonnées de terrorisme, originaires ou non du pays.

Le secrétaire à la Défense, Michael Fallon, a assuré hier que la frappe menée en Syrie était «parfaitement légale» et avait été menée avec l'aval du procureur général.

Les partisans des drones affirment qu'ils permettent de neutraliser des cibles terroristes autrement inaccessibles en minimisant les dommages collatéraux.

Leurs détracteurs soulignent à l'inverse qu'ils entraînent nombre de victimes civiles et suscitent l'indignation des populations locales, favorisant les efforts de recrutement des organisations terroristes. «On fait le jeu de l'État islamique», affirme Kat Craig, de Reprieve.