Le nombre de réfugiés syriens dépasse désormais les 4 millions, la plupart vivant dans la misère et rêvant d'émigrer en Europe, après avoir perdu tout espoir de rentrer dans leur pays ravagé par la guerre.

«C'est la plus grande population de réfugiés pour un seul conflit en une génération», affirme jeudi Antonio Guterres, patron du Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) qui a publié le nouveau chiffre de 4 013 000 Syriens ayant fui leur pays depuis 2011.

«C'est une population qui a besoin du soutien du monde et qui s'enfonce de plus en plus dans la pauvreté», dit-il. Le gros des réfugiés se trouve dans les pays voisins de Syrie, notamment la Turquie (1,8 million) suivie du Liban (1,1 million).

Le HCR a noté une hausse d'un million de réfugiés en 10 mois et table sur un chiffre global de 4,27 millions fin 2015.

«Nous ne pensons plus à rentrer en Syrie. Ce qui nous préoccupe au quotidien, c'est comment assurer la vie de nos enfants», confie à l'AFP Yassine al-Ali, 45 ans, réfugié depuis le début du conflit à Minié dans le nord du Liban.

Il vit avec sa femme et ses trois enfants dans un camp informel privé d'électricité et d'eau potable, perdu dans des champs agricoles où travaillent des réfugiées sous une chaleur écrasante pour se procurer un maigre revenu.

«Rêve d'Europe»

«Personne au monde n'oeuvre sérieusement pour mettre fin au conflit, pour qu'on puisse rentrer au pays», affirme à l'AFP ce père de trois enfants originaire de Homs (centre).

Beaucoup partage ce sentiment d'abandon.

«Avec les années, nous nous sommes rendus compte que les promesses faites par les États-Unis et d'autres pays n'étaient que des paroles en l'air», affirme Oussama al-Raqa, 22 ans, qui a raté son entrée à l'université à cause de la guerre.

«Moi, je rêve de partir en Europe», dit-il devant sa tente dans le camp de Minié. «Les Européens mangent et dorment dans des maisons. Nous en revanche sommes des sans-abris et tout le monde nous considère comme un fardeau».

Déclenché par la répression par le régime d'un mouvement de contestation pacifique en mars 2011, le conflit opposait à l'origine l'armée aux rebelles syriens, mais il est devenu complexe avec l'implication des Kurdes et des djihadistes venus principalement de l'étranger.

Plus de 230 000 personnes y ont péri, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), alors qu'environ 7,6 millions ont été déplacées à l'intérieur de la Syrie qui comptait 23 millions d'habitants au début de la guerre.

«La dégradation des conditions pousse de plus en plus de réfugiés vers l'Europe et plus loin, mais la grande majorité demeure dans la région», souligne le HCR qui dénonce le travail des mineurs et les mariages d'enfants comme conséquence de la pauvreté croissante.

«Rien n'a changé en trois ans!»

M. Guterres estime avoir besoin de 5 milliards de dollars pour l'aide humanitaire cette année y compris l'aide aux pays débordés par l'afflux de réfugiés.

En juin, l'agence n'avait reçu que 24 % de cette somme, ce qui signifie «interruptions dans l'aide alimentaire» et difficultés pour la scolarisation des enfants.

En Jordanie, 86 % des réfugiés qui ne sont pas dans des camps vivent avec moins de 3,20 $ par jour, et au Liban 55 % d'entre eux sont dans des abris qui sont en dessous des normes.

À Minié, les enfants se ruent sur les visiteurs du camp pour leur demander s'ils apportent des aides.

Khaled Cheikh, un réfugié de 53 ans, compare le camp à une prison. «La police a détenu mes quatre fils avec sept autres personnes lundi, car ils n'avaient pas de papiers. Nous n'avons ni travail et nous ne pouvons pas sortir du camp».

Le chef du HCR a appelé l'Union européenne à partager le fardeau des pays voisins de la Syrie, en citant en modèle l'Allemagne qui a «traité» des dizaines de milliers de demandes d'asile.

Les réfugiés syriens ont constitué près de la moitié des quelque 137 000 migrants qui sont arrivés en Europe ces six premiers mois, traversant la Méditerranée dans des embarcations de fortune.

«Si nous voulons éviter que toute une génération perde définitivement foi en l'humanité, cela doit changer sans délai», commente l'ONG OXFAM.

«Je ne veux plus parler à la presse. Cela fait trois ans que je parle aux médias et rien n'a changé», s'emporte une réfugiée à Minié, en cachant son visage.