L'ONU a pu distribuer des vivres hier à Yarmouk, un camp de réfugiés palestiniens à Damas, où 45 000 personnes sont coupées du monde et vivent une détresse alimentaire extrême. Regard, en quatre temps, sur cette ville où l'on meurt de faim.

Famine

Environ 45 000 personnes vivent pratiquement sans nourriture depuis des mois à Yarmouk, un quartier de Damas, capitale de la Syrie. Pour survivre, des familles entières fouillent dans les déchets et boivent de l'eau aromatisée avec des épices. Des gens ont aussi tué des chats, des chiens et des rats pour manger, selon ce qu'a appris l'AFP en parlant à des résidants. Au moins 85 personnes y sont mortes par manque de nourriture et manque de soins depuis la mi-2013, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), un organisme britannique. Des organisations non gouvernementales ont accusé le gouvernement syrien d'utiliser la faim comme une arme à Yarmouk.

Crise virale

Des images saisissantes de la détresse des habitants du camp de Yarmouk ont enflammé les réseaux sociaux, au cours des derniers jours. Dans une vidéo diffusée par Al-Arabiya, un homme rachitique, debout torse nu dans la rue, affirme qu'il ne se souvient pas de la dernière fois où il a mangé. Dans une autre vidéo, diffusée plus tôt ce mois-ci par la chaîne CNN, un adolescent de Yarmouk hurle sa colère et dit que ses concitoyens et lui ne prennent pas part au conflit en Syrie. «Nous voulons simplement vivre en paix! Nous voulons simplement manger!», lance-t-il. Ces vidéos ont été partagées des milliers de fois sur Facebook et Twitter.

Aide de l'ONU

Chris Gunness, porte-parole de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), explique que 1026 colis de nourriture ont été distribués à la population, hier. Une première opération d'envergure dans le territoire assiégé. «Pour mettre ces données en perspective, un colis contient assez de denrées pour nourrir une famille de 8 personnes pendant 10 jours environ, dit-il dans un courriel envoyé àLa Presse. Nous voulons continuer et accroître l'aide, car les gens dans le besoin se comptent par dizaines de milliers.» Sur place, les équipes de l'ONU ont pu constater que des enfants étaient victimes de malnutrition extrême et étaient atteints de rachitisme et d'anémie. «Il est donc important que nous puissions continuer la livraison de nourriture dans les prochains jours», note-t-il. Le gouvernement de Bachar al-Assad refusait jusqu'ici de laisser les équipes d'aide entrer à Yarmouk, alléguant que la nourriture et les médicaments pourraient se retrouver entre les mains des rebelles qui combattent les troupes syriennes.

Yarmouk, enclave palestinienne

Lors de sa fondation, à l'extérieur de la ville de Damas, en 1957, Yarmouk était un camp pour les réfugiés palestiniens. Aujourd'hui, on y trouve des constructions permanentes en béton hautes de plusieurs étages, et de nombreux Syriens y habitent et y travaillent. Depuis trois ans, l'endroit a été pilonné par les attaques de l'armée syrienne, et largement coupé du monde par les soldats de Bachar al-Assad. La majorité des 115 000 habitants de la ville ont fui, et 45 000 sont restés, dont des vieillards, des femmes et des enfants. Environ la moitié des habitants seraient des Palestiniens.