Le gouvernement syrien a rasé des milliers d'habitations dans des secteurs où la population soutient l'opposition à Damas et à Hama (centre), comme «punition collective», a affirmé jeudi Human Rights Watch, accusant le pouvoir «d'effacer de la carte des quartiers entiers».

«Ces démolitions illégales s'ajoutent à la longue liste de crimes commis par le gouvernement syrien», assure l'expert des situations de crise à HRW, Ole Solvang.

Cette organisation des droits de l'homme a documenté deux cas à Hama et cinq dans et autour de Damas entre juillet 2012 et juillet 2013, en utilisant l'imagerie satellitaire. Elle estime que 140 hectares, soit l'équivalent de 200 terrains de football, ont été rasés.

L'organisation basée à New York note dans son rapport que parmi les destructions figurent beaucoup d'immeubles élevés, ce qui signifie que des milliers de personnes ont perdu leur toit.

Ainsi à Wadi al-Joz, un quartier de Hama, les images satellitaires montraient en avril 2013 une série d'habitations entre deux rues, laissant la place un mois plus tard à des espaces blancs.

«Après cette démolition, l'armée est venue dans notre quartier pour nous dire avec des haut-parleurs qu'elle détruirait le notre comme elle venait de le faire si une seule balle était tirée de chez nous», a déclaré à HWR une habitante d'un quartier voisin.

Selon HRW, tous les endroits touchés sont acquis à la rébellion, et il est difficile de croire l'argument du gouvernement, selon qui il s'agit d'un plan de restructuration urbanistique.

«Les démolitions ont été supervisées par l'armée, souvent à la suite de combats entre le gouvernement et les forces de l'opposition. En tout cas, il ne semble pas à HRW que des démolitions similaires se soient produites dans des quartiers favorables au gouvernement», indique le document.

Des résidants ont affirmé avoir reçu un très court préavis, ou pas du tout, avant les démolitions, et n'ont bénéficié d'aucune compensation.

Le propriétaire d'un restaurant à Qaboun, un quartier du nord-est de la capitale, a confié à HRW qu'il a été obligé de quitter le lieu où se déroulait la démolition sous peine d'être arrêté.

«J'ai vu détruire en quelques secondes le fruit d'années de dur labeur de toute ma famille», a-t-il ajouté.

Pour HRW ces démolitions sont une violation des lois de la guerre «car elle ne servent pas directement un objectif militaire et apparaissent comme une punition de la population civile».

«Ceux qui sont responsables de ces destructions commettent des crimes de guerre», selon le rapport.

Pour M. Solvang, «le Conseil de sécurité de l'ONU, en s'adressant à la Cour internationale de Justice, doit adresser un message clair que la dissimulation et l'impunité du gouvernement ne résisteront pas face à la justice».

La Coalition de l'opposition a indiqué dans un communiqué que «brutaliser les civils pour qu'ils abandonnent leurs appels à la liberté est le point central de la stratégie du régime».

Plus de 130 000 personnes sont mortes depuis le début du conflit il y a près de trois ans, et des millions d'autres sont déplacées ou réfugiées.

PHOTO AP/HUMAN RIGHTS WATCH

HRW a documenté deux cas à Hama et cinq dans et autour de Damas entre juillet 2012 et juillet 2013,  en utilisant l'imagerie satellitaire.

Un nouveau convoi alimentaire dans le camp assiégé de Yarmouk

Un convoi d'aide alimentaire a pu pénétrer jeudi dans le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk à Damas dont le siège hermétique a causé la mort de plus de 80 personnes, ont annoncé une agence de l'ONU et l'agence officielle syrienne Sana.

«Aujourd'hui, un convoi de l'UNRWA transportant 1.026 rations alimentaires est entré dans le camp de Yarmouk», a indiqué à l'AFP Chris Gunness, porte-parole de l'Agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens (UNRWA).

«Chaque ration est suffisante pour dix jours à une famille de huit personnes. Il faut que les distributions se poursuivent dans les prochains jours en raison de la malnutrition dont souffre la population. Nous devons poursuivre ce qui a été accompli modestement aujourd'hui», a-t-il dit à l'AFP.

L'agence Sana a confirmé indiquant que «de nouveau, la nourriture avait pu entrer dans le camp Yarmouk (...) afin d'alléger les souffrances des résidents encerclés dans le camp et pris en otage par les groupes terroristes armés», en allusion aux rebelles.

Il s'agit, selon M. Gunness, de la première distribution depuis celle de 138 rations alimentaires effectuées par l'UNRWA le 21 janvier.

«Nous nous sentons encouragés par cette distribution, par l'aide et la coopération des parties sur le terrain», a-t-il confié, disant espérer «pouvoir continuer et accroître substantiellement le montant de l'aide».

Selon ce responsable de l'UNRWA, les personnes ayant besoin de cette aide à Yarmouk «se comptent par dizaines de milliers, dont les 18.000 Palestiniens, parmi lesquels des femmes et des enfants».

L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) avait rapporté que 86 personnes sont mortes de faim et d'absence de soins médicaux dans le camp.

Le camp de Yarmouk avait été établi par l'ONU en 1948 pour accueillir les Palestiniens ayant fui lors de la première guerre israélo-arabe. Il s'est transformé au fil des ans en quartier résidentiel et commercial. Mais on continue à l'appeler le «camp» Yarmouk.

En 2011, près de 150 000 Palestiniens et autant de Syriens y vivaient. Lorsque la guerre a touché Damas à l'été 2012, des milliers d'habitants d'autres parties de la capitale y ont trouvé refuge car le quartier était calme.

Mais peu après, Yarmouk est devenu à son tour un champ de bataille, certains Palestiniens ayant appuyé les rebelles tandis que d'autres comme le Front populaire de libération de la Palestine - Commandement général (FPLP-CG) combattent aux côtés du régime syrien.

En juin 2013, l'armée syrienne a imposé un bouclage total de ce quartier de 2 km2, où résident encore, selon l'ONU, 18 000 habitants. Assiégés, certains ont dit avoir mangé de l'herbe, des chats et des chiens.