Le premier chargement d'agents chimiques a été évacué mardi de Syrie en vue de leur destruction, en vertu d'un accord avec le régime, dans un conflit qui prend une nouvelle tournure avec des combats entre rebelles et djihadistes.

L'évacuation des agents chimiques les plus dangereux est la première étape clé du plan de démantèlement de l'arsenal du régime, conclu à l'initiative de Washington et de Moscou.

D'après la résolution 2118 du Conseil de sécurité de l'ONU adoptée en septembre, la totalité de cet arsenal doit être détruite avant le 30 juin.

«Une première quantité de matériel chimique de première importance a été retirée de deux sites, transportée au port de Lattaquié pour vérification puis chargée aujourd'hui (mardi, ndlr) sur un navire commercial danois», a indiqué la mission conjointe ONU - Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) dans un communiqué.

Le navire s'est dirigé vers les eaux internationales et devrait y rester «dans l'attente de l'arrivée dans le port d'autres agents chimiques importants».

Une fois rassemblés à Lattaquié, les composants chimiques doivent être transportés jusqu'à un port italien, où ils seront transférés sur un navire de la marine américaine spécialement équipé pour les détruire en mer.

À La Haye, le directeur général de l'OIAC Ahmet Uzumcu a qualifié cette première évacuation de «pas important».

«J'encourage le gouvernement syrien à maintenir cet élan pour enlever les agents chimiques prioritaires restants, d'une façon sécurisée et dans le délai, de façon à ce qu'ils puissent être détruits à l'extérieur de la Syrie aussi vite que possible», a-t-il indiqué.

La conclusion d'un accord sur la destruction de l'arsenal chimique syrien avait permis d'éviter des frappes militaires américaines en Syrie, en représailles à une attaque chimique meurtrière en août près de Damas que Washington attribue au régime.

274 morts dans les combats djihadistes/rebelles

L'évacuation de ce premier chargement intervient alors que la rébellion luttant contre le régime est traversée par une lutte fratricide sans précédent.

Depuis vendredi, rebelles et combattants de la branche officielle d'Al-Qaïda en Syrie, le Front Al-Nosra, sont engagés dans des affrontements meurtriers contre les djihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), ces combats ont fait au moins 274 morts: 129 rebelles et membres d'Al-Nosra, 99 djihadistes de l'EIIL, un groupe originaire d'Irak, et 46 civils.

Évoquant une situation «malheureuse», le chef du Front al-Nosra, Abou Mohammad al-Jolani, a appelé à un «cessez-le-feu», à «procéder à un échange de prisonniers et à donner la priorité au combat contre le régime», dans un enregistrement audio posté sur Twitter.

M. Jolani accuse l'EIIL «d'avoir mené sur le terrain une politique erronée qui a été un facteur important dans le déclenchement du conflit».

Si les violences se poursuivent, «le régime va pouvoir trouver un nouveau souffle alors qu'il était proche de l'effondrement, et l'Occident et les (...) (chiites et alaouites) vont trouver un grand espace», a-t-il mis en garde.

L'EIIL se voit reprocher une série d'exactions, notamment des enlèvements et meurtres de civils et de rebelles rivaux, dont celui récent sous la torture d'un médecin très populaire.

Le puissant Front islamique, l'Armée des Moujahidine (islamiste) récemment créée et le Front des révolutionnaires de Syrie («modéré», non islamiste) sont à l'origine de cette offensive contre l'EIIL, auquel s'est ensuite joint Al-Nosra.

«Le comportement de l'EIIL devenait insupportable pour la plupart des groupes armés (...) notamment les tentatives de prendre le contrôle des zones frontalières, coupant de ce fait les réseaux logistiques des rebelles», a affirmé à l'AFP un spécialiste de l'islam en Syrie, Thomas Pierret.

Romain Caillet, spécialiste du salafisme contemporain, estime par ailleurs que «l''opposition veut faire bonne figure à l'égard des gouvernements occidentaux», en se démarquant des djihadistes, alors que le 11 décembre, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont annoncé la suspension de leur aide non létale à la rébellion, craignant la montée des radicaux.

Le conflit, déclenché par une révolte pacifique devenue insurrection armée face à la répression sanglante, a fait plus de 130 000 morts depuis mars 2011.

Une conférence de paix doit se tenir le 22 janvier en Suisse. Mais la Coalition nationale de l'opposition, réunie à Istanbul, n'a pas encore rendu publique sa décision sur son éventuelle participation.