Le président russe Vladimir Poutine a mis en garde mercredi le Congrès américain contre l'approbation de frappes en Syrie qui constitueraient une «agression» si elles avaient lieu «en dehors du cadre des Nations unies».

Si le Congrès américain qui examine l'autorisation d'un recours à la force contre le régime de Damas donnait son feu vert à des frappes, les États-Unis «autoriseraient une agression, car tout ce qui se fait en dehors du Conseil de sécurité de l'ONU est une agression, à l'exception de l'autodéfense», a déclaré M. Poutine aux membres du conseil des droits de l'homme au Kremlin, selon les agences russes.

«Mais la Syrie, comme on sait, n'attaque pas les États-Unis, il ne peut donc être question de défense», a ajouté M. Poutine.

«Voilà, maintenant le Congrès et le Sénat américains sont occupés à légitimer une agression, et nous sommes tous collés devant les écrans de télévision à attendre si cela va être autorisé ou non», a encore dit M. Poutine, soulignant qu'une approbation de frappes en Syrie serait «inadmissible».

Le secrétaire d'État John Kerry et le chef du Pentagone Chuck Hagel ont défendu mardi devant la commission des Affaires étrangères du Sénat la décision de principe annoncée samedi par le président Barack Obama : procéder à des frappes «limitées» punitives sur la Syrie, mais pas avant d'avoir obtenu un feu vert du Congrès.

Le président russe Vladimir Poutine a exigé des «preuves convaincantes» d'un éventuel recours aux armes chimiques par son allié syrien, tout en adoptant un ton plus conciliant sur ce dossier à la veille de l'ouverture en Russie du G20.

Ce sommet intervient alors que le président américain Barack Obama, qui y assistera, tente d'obtenir l'aval du Congrès pour une action militaire et a reçu le soutien de plusieurs élus de poids.

La pertinence d'une intervention, défendue par le président français François Hollande, sera par ailleurs débattue devant le Parlement français à partir de 10h00 (heure de Montréal).

Deux ans et demi après le début du conflit en Syrie, qui a fait plus de 110 000 morts selon une ONG, les États-Unis et la France cherchent à mettre en place une coalition pour mener des frappes contre le régime de Bachar al-Assad, en représailles à une offensive chimique présumée. Selon l'opposition et des capitales occidentales, l'attaque qui a fait des centaines de morts le 21 août est le fait de l'armée syrienne, ce que Damas dément.

M. Poutine a exigé que les Occidentaux présentent à l'ONU des «preuves convaincantes» de l'usage d'armes chimiques par le pouvoir syrien, affirmant que la Russie serait dans ce cas prête «à agir le plus résolument et sérieusement possible».

Il a néanmoins souligné que ces preuves «ne doivent pas se baser sur des rumeurs ou des informations reçues par les services secrets au cours d'écoutes, de discussions, etc».

Le Conseil de sécurité de l'ONU est paralysé par l'opposition de la Russie, principal soutien du régime Assad, et de la Chine à toute résolution mettant en cause ce dernier.

M. Poutine a par ailleurs indiqué que la Russie avait suspendu ses livraisons à Damas de batteries sol-air S300, des systèmes de défense antiaérienne et antimissile perfectionnés.

L'installation d'un tel système de défense sol-air compliquerait tout projet des États-Unis ou de leurs alliés de procéder à des frappes ou d'établir une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Syrie.

En France, le premier ministre Jean-Marc Ayrault doit confirmer devant le Parlement la ligne diplomatique française: réunir une coalition internationale afin de «sanctionner» Bachar al-Assad.

Le débat ne sera pas suivi d'un vote, qui pourrait néanmoins survenir ultérieurement, après la consultation du Congrès américain prévue à partir du 9 septembre. Quelque 74% des Français souhaitent un vote avant toute action militaire.

Les navires de guerre russes «capables de réagir» en cas d'escalade

Les navires de guerre russes en Méditerranée sont «capables de réagir» à une escalade du conflit en Syrie, a indiqué mercredi une source militaire russe, alors que des pays occidentaux se préparent à de possibles frappes contre Damas.

«Aujourd'hui, nous considérons que notre présence dans l'est de la Méditerranée est suffisante pour remplir nos missions. Ils (les bateaux) peuvent si nécessaire, avec les forces sous-marines, avoir une influence dès à présent sur la situation militaire», a déclaré à l'agence Interfax une source au sein de l'état-major des forces armées russes.

«Nous sommes déjà prêts à résoudre les problèmes qui pourraient apparaître. Pour cela, il va bientôt y avoir des changements au sein du groupe (de navires) pour mieux répondre à l'évolution des événements», a ajouté cette source, sans autre précision.

Le croiseur lance-missiles Moskva, qui se trouve actuellement dans l'Atlantique, fait route vers la Méditerranée où il arrivera le 17 septembre, a indiqué de son côté l'agence officielle Ria Novosti en citant une source haut placée au sein de l'état-major des forces armées.

Deux navires de la flotte russe de la mer Noire - la vedette lance-missiles Ivanovets et le navire lance-missiles Chtil - arriveront au large de la Syrie le 29 septembre, selon la même source.

De plus, les contre-torpilleurs Smetlivy et Nastoïtchivy, qui devaient initialement se rendre au Cap-Vert, se dirigent aussi vers l'est de la Méditerranée, indique Interfax.

Dans cette zone se trouvent déjà le navire d'escorte Neoustrachimy, les navires de débarquement Alexandre Chabaline et Admiral Nevelski, selon Interfax. Ils vont être rejoints par deux autres grands navires de débarquement, le Novotcherkassk et le Minsk, attendus les 5 et 6 septembre, selon la même source.

La Russie maintient une présence constante de plusieurs navires de guerre dans l'est de la Méditerranée où ils effectuent des rotations depuis le début de la crise syrienne il y a deux ans et demi. Principal soutien du régime de Damas auquel elle livre des armes, la Russie exploite depuis la période soviétique une base militaire dans le port de Tartous, à 220 km au nord-ouest de Damas.