Après la décision-surprise du président Barack Obama de demander un vote du Congrès pour une frappe en Syrie, l'opposition syrienne, déçue, veut garder l'espoir qu'elle peut convaincre le monde de la nécessité d'un recours à la force contre le régime.

«Nous avons ressenti une déception. On s'attendait à une frappe directe et imminente (...), mais nous pensons que le Congrès va approuver des frappes militaires», a déclaré à l'AFP Samir Nachar, membre de la direction de la Coalition nationale de l'opposition syrienne. «Le rapport des services américains de renseignements contient des preuves irréfutables sur la responsabilité du régime dans l'attaque chimique» du 21 août près de Damas, souligne-t-il.

Un autre responsable, qui a demandé à conserver l'anonymat, a assuré que «le choc et la déception ont vite été remplacés par l'espoir».

«Comme nous aspirons à la démocratie dans notre propre pays, nous ne pouvons fermer l'oreille à l'exigence démocratique en Amérique», a-t-il ajouté, évoquant le recours par le président américain à un vote au Congrès. «Celui qui a attendu deux ans et demi peut bien attendre dix jours de plus».

«La chose positive c'est que le président Obama s'est dissocié du Conseil de sécurité de l'ONU, car, à cause du véto russe, ce Conseil est une impasse», a-t-il ajouté.

Dans son discours, le président américain avait assuré qu'il n'était «pas inquiet à l'idée d'agir sans l'approbation du Conseil de sécurité des Nations Unies qui, jusqu'à présent, a été complètement paralysé et s'est montré réticent à l'idée de tenir Assad responsable de ses actes».

Dans les prochains jours, la coalition nationale syrienne va envoyer des émissaires dans les principales capitales occidentales et arabes afin de plaider en faveur du recours à la force contre le régime de Bachar al-Assad. Son chef a notamment prévu de se rendre rapidement en Grande-Bretagne et en Allemagne, a indiqué le responsable anonyme.

«encourager les criminels de guerre»

S'ils se proclament résolument optimistes dans la perspective d'un vote au Congrès, les responsables de l'opposition interrogés dimanche par l'AFP préviennent qu'un refus serait dramatique et donnerait au président syrien un blanc-seing en vue de poursuivre sa répression, de façon encore plus féroce grâce à un sentiment de toute-puissance et d'impunité.

«Si le Congrès refuse, Bachar (al-Assad) se transformera en monstre régional possédant des armes chimiques et des missiles de toutes sortes», prévient le même responsable. «Ce sera un désastre pour le peuple syrien, la région et le monde».

Et pour Samir Nachar «si les frappes sont annulées, Bachar va utiliser de plus en plus d'armes de destruction massive, et il en a beaucoup. L'attaque sur Damas prouve qu'il était coincé, parce que les rebelles avaient fait un grand pas en avant».

Si les responsables de l'opposition tentent de faire bonne figure et de s'adapter à cette nouvelle donne américaine, des analystes interrogés dimanche par l'AFP sont plus pessimistes et condamnent le répit accordé au président syrien et le message que cela adresse à Damas et au reste du monde.

Pour Jean-Pierre Filiu, professeur à l'institut de sciences politiques à Paris, «le message qu'Obama vient d'adresser sur la Syrie ne peut qu'encourager les criminels de guerre au pouvoir à Damas, ainsi que leurs alliés inconditionnels à Moscou et à Téhéran».

«Les jihadistes peuvent désormais s'appuyer sur un tel discours pour affirmer que l'Occident a bel et bien abandonné les Syriens et que seule l'option radicale reste d'actualité. Ce discours, censé prévenir de futurs crimes, n'aura fait que les décaler dans le temps» ajoute M. Filiu, auteur notamment du «Nouveau Moyen-Orient» (Fayard).

Pour sa part la politologue Agnès Levallois, spécialiste du Moyen-Orient, estime que la communauté internationale «n'a pas su comment réagir, a été tétanisée par ce régime syrien.»

«La décision de samedi est le couronnement de cette incapacité de gérer cette situation dès le départ», ajoute-t-elle.

Alors que dans les jours qui viennent tous les regards vont être tournés vers Washington, «on va se détourner de ce qui se passe sur le terrain en Syrie», dit-elle. «Bachar al-Assad a une dizaine de jours pour démontrer qu'il reprend les choses en main. Sur place, c'est un sentiment d'impunité que peut avoir le régime».