Le président russe Vladimir Poutine a qualifié samedi d'«absurdité totale» les accusations d'utilisation d'armes chimiques par la Syrie et a appelé les États-Unis à présenter les preuves qu'ils disent avoir d'une éventuelle implication du régime syrien.

«Les forces syriennes sont à l'offensive et cernent l'opposition dans plusieurs régions. Dans ces conditions, fournir un atout à ceux qui appellent à une intervention armée serait une absurdité totale», a déclaré M. Poutine aux journalistes à Vladivostok (Extrême-Orient russe), en répondant à une question sur l'utilisation présumée d'armes chimique par le régime syrien.

«Cela va à l'encontre de toute logique», a-t-il insisté.

«Je suis convaincu que ce n'est qu'une provocation de ceux qui veulent entraîner d'autres pays dans le conflit syrien et s'assurer le soutien d'acteurs internationaux puissants, en premier lieu celui des États-Unis», a indiqué M. Poutine.

Le président russe a appelé Washington à présenter à l'ONU les preuves qu'il dit détenir, en soulignant que «l'interception de conversations quelconques ne pouvait pas servir de base pour la prise de décisions fondamentales, notamment le recours à la force contre un État souverain».

«Concernant la position de nos amis américains, qui affirment que les troupes gouvernementales (syriennes) ont utilisé (...) des armes chimiques et disent avoir des preuves, eh bien, qu'ils les montrent aux enquêteurs des Nations unies et au Conseil de sécurité», a dit M. Poutine. «S'ils ne le font pas, cela veut dire qu'il n'y en a pas», a-t-il dit.

M. Poutine a appelé son homologue américain Barack Obama, «lauréat du prix Nobel de la Paix», à «se souvenir combien de fois les États-Unis ont été initiateurs des conflits armés dans différentes régions du monde», notamment en Afghanistan, en Irak et en Libye, au cours de cette dernière décennie.

«Et est-ce que cela a résolu ne serait-ce qu'un seul problème?», s'est-il interrogé.

«Est-ce que c'est dans les intérêts des États-Unis de détruire une fois de plus le système de sécurité international, les bases fondamentales du droit international? Est-ce que cela va renforcer le prestige international des États-Unis? C'est peu probable», a poursuivi M. Poutine, en appelant Washington à «bien réfléchir» avant de prendre une décision sur un éventuel recours à la force.

Le président russe a également proposé d'évoquer le conflit syrien dans le cadre du sommet du G20 prévu les 5 et 6 septembre à Saint-Pétersbourg, la deuxième ville de Russie (nord-ouest).

«Évidemment, le G20 ne peut pas remplacer le Conseil de sécurité des Nations Unies (...). Mais c'est un bon terrain pour discuter un problème. Pourquoi pas en profiter?», a indiqué M. Poutine.

Il s'agit de la première réaction publique de Vladimir Poutine au rapport des services de renseignement américains accusant le régime du président Bachar al-Assad d'avoir utilisé des armes chimiques lors d'une attaque dans les faubourgs de Damas, le 21 août, et d'avoir ainsi provoqué la mort de plusieurs centaines de personnes.

Les États-Unis et la France appellent à agir contre le régime du président Assad, le président américain Barack Obama évoquant une action militaire «limitée».

Pour sa part, Moscou accuse les rebelles d'avoir utilisé des armes chimiques pour discréditer le gouvernement.

M. Poutine a par ailleurs loué la décision «inattendue» des députés britanniques qui ont voté contre une intervention militaire en Syrie, voulue par le gouvernement du premier ministre David Cameron et par les États-Unis.

«Cela veut dire que même en Grande-Bretagne -- bien qu'elle soit le principal allié géopolitique des États-Unis (...) -- il y a des gens qui sont guidés par les intérêts nationaux, le bon sens et qui tiennent à leur souveraineté», a déclaré le président russe.

«Pour moi, c'était totalement inattendu (...). Tout le monde est habitué à ce que ces dernières années, la société occidentale accepte tout -- sans discussions particulières -- conformément aux souhaits et à la position du partenaire principal, les États-Unis», a-t-il dit.

La Russie, qui soutient le régime de Damas depuis le début du conflit en Syrie il y a deux ans et demi, a bloqué jusqu'ici avec la Chine toute décision au Conseil de sécurité de l'ONU qui viserait à prendre des sanctions ou à lancer une action punitive contre le président Assad.

Syrie : réunion dimanche des ministres arabes des Affaires étrangères

Les ministres arabes des Affaires étrangères se réuniront dimanche au Caire pour parler de la Syrie, où les États-Unis et la France se montrent déterminés à frapper le régime accusé d'avoir tué des centaines de personnes dans une attaque chimique.

Le numéro deux de l'institution panarabe, Ahmed Ben Helli, a précisé samedi que cette réunion prévue mardi avait été avancée à dimanche, à la demande de plusieurs États arabes, en raison des développements sur le dossier syrien.

Mardi, les délégués permanents auprès de la Ligue arabe avaient fait porter au régime syrien «l'entière responsabilité» de l'attaque chimique présumée près de Damas le 21 août, qui a déclenché un tollé international et poussé plusieurs États à envisager des frappes en Syrie.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a d'ailleurs cité vendredi l'organisation panarabe parmi les alliés possibles pour une telle action armée, alors que de nombreux pays, dont trois grandes membres du Conseil de sécurité de l'ONU -Grande-Bretagne, Chine et Russie- y sont opposés.

Or, des pays influents de la Ligue arabe, comme l'Égypte, l'Algérie, l'Irak, le Liban ou la Tunisie, se sont dits contre une intervention militaire étrangère.

L'opposition et des pays occidentaux accusent le régime de Bachar al-Assad d'avoir tué des centaines de personnes en faisant usage de gaz toxiques le 21 août dans la Ghouta, une région agricole qui borde la capitale à l'est.

Damas accuse à son tour les rebelles d'avoir utilisé l'arme chimique.

Le pays est en proie depuis mars 2011 à une révolte populaire devenue guerre civile qui a fait plus de 100 000 morts et valu à la Syrie d'être suspendue fin 2011 des travaux de la Ligue arabe avant que son siège ne soit réattribué à l'opposition syrienne.