Le président syrien Bachar al-Assad a menacé de défendre son pays «contre toute agression» des Occidentaux qui maintiennent la pression en poursuivant leurs préparatifs militaires au moment où les experts de l'ONU rentrent dans la dernière ligne droite dans leur enquête sur l'utilisation présumée de l'arme chimique par Damas.

«La Syrie se défendra contre toute agression», a martelé jeudi  M. Assad, dont les propos ont été diffusés par la télévision officielle de Damas, où de nombreux habitants vivant dans la crainte de frappes aériennes plient bagage.

Même si le président américain Barack Obama, qui cherche à éviter les erreurs de Georges Bush en Irak, dit ne pas avoir encore pas pris de décision sur une éventuelle action en Syrie, son pays a déployé un destroyer supplémentaire face aux côtes syriennes, portant temporairement à cinq le nombre de navires équipés de missiles de croisière en Méditerranée orientale.

De son côté,  la Grande-Bretagne, qui prépare son opinion à une éventuelle opération limitée contre le régime de Damas, a déployé six avions de chasse Typhoon sur l'une de ses bases à Chypre, à une centaine de kilomètres seulement des côtes syriennes.

À Damas, les forces armées syriennes ont été repositionnées hors de leurs postes de commandement, et les habitants de la capitale se préparaient au pire et faisaient face à des contrôles renforcés à des barrages routiers. Les mesures de sécurité ont également été multipliées dans des hôpitaux.

S'exprimant depuis Istanbul, qui prône ouvertement une opération musclée contre le régime de Bachar al-Assad,  l'opposition syrienne a affirmé que les défections s'étaient multipliées dans l'armée ces derniers jours, parlant de la «désertion d'un grand nombre d'officiers de haut rang», sans toutefois donner davantage de précisions.

Dans le camp des alliés de M. Assad,  Moscou -  hostile à toute intervention en Syrie -  a annoncé l'envoi prochain en Méditerranée d'un bateau de lutte anti-sous-marine et d'un navire lance-missiles.

Fort de l'appui de la Russie,  M. Assad, qui avait déjà démenti les accusations «insensées» de recours à l'arme chimique présumée contre des civils le 21 août dans les faubourgs de Damas , a affirmé que «la Syrie, avec son peuple qui résiste et sa valeureuse armée, est déterminée à éradiquer le terrorisme soutenu par Israël et les pays occidentaux», assimilant comme depuis près de deux ans et demi la rébellion à du terrorisme.

Sur la même ligne que Londres,  M. Obama a affirmé que son pays avait clairement établi la responsabilité du régime dans cette attaque chimique, et un haut responsable de l'administration a annoncé qu'elle allait informer jeudi le Congrès de données classifiées du renseignement sur cette attaque.

«Coup de semonce»

Le président américain a dit mercredi ne pas «encore avoir pris de décision» sur une frappe. L'idée reste que le régime «reçoive un message assez fort sur le fait qu'il ferait mieux de ne pas recommencer» à utiliser des armes chimiques, a-t-il expliqué en évoquant «un coup de semonce».

Il s'exprimait après une réunion des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (États-Unis, Royaume-Uni, France, Russie et Chine), qui ont sans surprise affiché leurs désaccords sur une résolution autorisant une action militaire.

Londres, qui a dit qu'il ne lancerait pas d'action militaire avant de connaître les conclusions de l'ONU, a néanmoins affirmé qu'il «serait toujours autorisé» à mener «une intervention ciblée» en Syrie, même en cas de blocage au Conseil de sécurité, «en vertu de la doctrine d'intervention humanitaire».

Le premier ministre britannique David Cameron a reconnu devant les députés qu'«il n'y a pas 100% de certitude» sur la responsabilité de l'attaque présumée tout en redisant sa conviction qu'elle avait été menée par le régime. Les députés de son pays devaient se prononcer jeudi soir sur une motion du gouvernement prévoyant le principe d'une intervention en Syrie, mais l'opposition travailliste a décidé de voter contre.

À Paris, le gouvernement a expliqué que la riposte militaire était «compliquée à construire». Le président François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel ont eux aussi déclaré attendre le rapport des experts de l'ONU.

M. Hollande a cependant insisté sur la nécessité de «marquer un coup d'arrêt par rapport à l'escalade de la violence», après un entretien avec le chef de l'opposition syrienne Ahmad Jarba, qui s'est dit convaincu qu'une «punition» internationale allait être infligée à Damas.

Après les allusions à une action imminente ces derniers jours, des pays occidentaux dont la Grande-Bretagne ont dit vouloir attendre les résultats de l'enquête des experts de l'ONU sur l'attaque chimique présumée qui, selon l'opposition syrienne, a fait des centaines de morts .

À Damas, ces experts ont achevé jeudi une troisième visite sur les lieux après avoir prélevé mercredi du sang, d'urine et de cheveux auprès des victimes de l'attaque chimique présumée dans des localités de la Ghouta orientale et de la Ghouta occidentale. «Ils continueront leur enquête jusqu'à demain vendredi, et ils quitteront la Syrie d'ici samedi dans la matinée et me feront leur rapport dès qu'il seront sortis», a déclaré le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, en plaidant de nouveau pour un règlement politique.

Le Vatican a aussi estimé que la voie du dialogue et de la négociation était «l'unique option» pour sortir la Syrie de la crise aux yeux du pape François et du roi de Jordanie, Abdallah II, reçu par le souverain pontife.

Les Églises du Moyen-Orient, alarmées sur le sort des chrétiens de la région, ont jugé pour leur part qu'une telle action renouvellerait en pire l'expérience calamiteuse de l'Irak il y a dix ans.

Et parmi les alliés de M. Assad, le chef d'état-major iranien, Hassan Firouzabadi, a prévenu qu'une action militaire contre la Syrie aurait des conséquences sur toute la région et mènerait Israël «au bord des flammes». Le président israélien Shimon Peres a lui affirmé qu'en cas de menace, Israël répliquerait «avec toute sa force».