Les États-Unis ont planté lundi le décor d'une intervention militaire contre le régime syrien en réaction à une attaque chimique selon eux «indéniable» contre des civils la semaine dernière près de Damas.

«Des armes chimiques ont été utilisées en Syrie», a déclaré le secrétaire d'État John Kerry, pour la première fois aussi catégorique: «c'est indéniable».

Ces armes auraient fait plus de 1000 morts dans la Ghouta orientale le 21 août, selon l'opposition au président syrien Bachar al-Assad.

Sans désigner de coupable, M. Kerry a assuré que «le président (Barack) Obama pense que ceux qui ont recours aux armes les plus atroces contre les populations les plus vulnérables de la planète doivent rendre des comptes».

La Maison-Blanche et le département d'État ont aussi indiqué que si l'utilisation d'armes chimiques était à leurs yeux établie, un petit doute planait encore sur leur provenance, alors que le régime de Damas et les rebelles se sont mutuellement accusés d'y avoir eu recours.

Mais selon le porte-parole de M. Obama, Jay Carney, le gouvernement Assad  «a gardé le contrôle des stocks d'armes chimiques en Syrie (...) et lui seul a la capacité à disperser ces armes avec des projectiles». M. Carney a aussi assuré que le site de l'attaque présumée avait été encore bombardé lundi pour tenter de détruire des preuves, après le passage d'inspecteurs de l'ONU.

M. Obama n'a pas encore pris de décision sur la forme que prendrait la réaction de son pays, a par ailleurs expliqué M. Carney. Mais une telle réaction est «dans l'intérêt des États-Unis et de la communauté internationale», a-t-il assuré, tout en refusant de préciser un calendrier. Ni lui ni le secrétaire d'État n'ont formellement évoqué de frappes militaires.

L'ombre de l'Irak en 2003

Mais alors que le bureau du président républicain de la Chambre John Boehner révélait avoir été consulté par la Maison-Blanche lundi sur le dossier syrien, des interlocuteurs de la présidence et des observateurs ont laissé entendre qu'une décision était proche, et que la forme de la réaction ne faisait guère de doute.

«Je pense qu'une réaction est imminente, j'ai parlé hier (dimanche) soir avec la Situation Room», la salle de gestion des crises de la Maison-Blanche, a expliqué lundi matin le sénateur républicain Bob Corker, qui siège à la commission des Affaires étrangères.

«Je pense qu'évidemment nous sommes en train d'oeuvrer à rassembler nos alliés de l'OTAN, nos moyens (militaires) sont en place», a ajouté l'élu sur la chaîne MSNBC, en se disant persuadé que «l'on va assister à une frappe chirurgicale et proportionnée contre le régime Assad en réaction à ce qu'ils ont fait, et je soutiens cela».

«Le sens commun semble dire qu'il y aura des bombardements limités pour faire passer un message», a remarqué pour sa part Salman Shaikh, du centre de l'Institut Brookings à Doha (Qatar), en estimant que «cela serait fait avec le soutien de pays de la région et sur la scène internationale, même si c'est en dehors de l'ONU», voie impossible vu le soutien jusqu'ici sans faille de la Russie à son allié syrien.

Une délégation de hauts responsables israéliens a été reçue lundi à la Maison-Blanche pour discuter notamment de la guerre en Syrie, a fait savoir le Conseil américain de la sécurité nationale.

En quatre ans et demi de présidence, M. Obama a démontré sa réticence extrême à intervenir militairement dans le monde arabo-musulman, lui qui avait bâti une partie de sa candidature en 2008 sur le rejet de l'invasion américaine «impulsive» et «stupide» de l'Irak cinq ans plus tôt.

Mais en mars 2011, il avait engagé les moyens militaires et aériens des États-Unis dans l'offensive contre Mouammar Kadhafi en Libye, tandis que la «guerre secrète» des drones au Pakistan et au Yémen a pris une nouvelle ampleur sous sa présidence.

Ces nouvelles opérations militaires décidées par M. Obama ont eu un point commun: pas d'Américains au sol - slogan encore repris lundi par M. Carney - et risques immédiats d'engrenage limités.

Sur ce dernier volet, la situation en Syrie est loin d'être aussi claire, note Anthony Cordesman, du groupe de réflexion CSIS. «Il sera impossible pour les États-Unis d'avoir recours à la force pour détruire le régime Assad en étant certains que la Syrie ne tombera pas sous la coupe d'extrémistes islamistes sunnites, ou se fragmentera en blocs alaouite, sunnite et kurde qui seront encore plus violents et durables que les divisions ethniques en Irak», prévient cet expert.