Le gouvernement canadien ne risque guère de susciter l'indignation populaire au pays en refusant de fournir des armes aux rebelles syriens engagés dans une lutte sanglante avec le régime de Bachar al-Assad.

Un sondage produit par la firme torontoise Forum Research indique que moins d'un Canadien sur cinq est favorable à une telle initiative alors que les discussions à ce sujet vont bon train parmi les États soutenant le soulèvement.

«Il n'y a aucun intérêt ici pour que le Canada accorde un tel soutien aux rebelles syriens, quelle que soit la région ou l'allégeance politique que l'on considère», souligne en entrevue le président de l'entreprise, LorneBozinoff.

Seuls 18 % des Canadiens pensent qu'Ottawa devrait envoyer des armes aux opposants de Damas alors que 60 % rejettent carrément l'idée et 22 % affirment ne pas avoir de point de vue à ce sujet. À l'échelle du pays, le pourcentage de personnes opposées à une telle mesure varie de 57 % à 71 %.

Quelque 16 % des partisans conservateurs sont d'accord avec la livraison d'armes. Le pourcentage monte à 20 % chez les néo-démocrates et à 24 % chez les verts.

Un lointain conflit

Le bilan du conflit syrien, qui a fait au moins 93 000 morts depuis mars 2011 selon les Nations unies, ne semble pas perturber outre mesure la population.

«Ce n'est pas très réjouissant de le dire, mais il est loin d'être clair que beaucoup de gens sont au courant de ces faits», indique M. Bozinoff, qui voit dans le résultat du sondage une illustration de l'indifférence relative des Canadiens envers les affaires internationales.

«Je pense que la Syrie est un pays auquel nombre de Canadiens ne pensent pas très souvent», estime le représentant de Forum Research.

La firme, qui a sondé 1525 personnes âgées de 18 ans et plus en milieu de semaine, n'a pas posé de questions visant à préciser les raisons de l'opposition de la population.

Houchang Hassan-Yari, spécialiste des relations internationales au Collège militaire royal du Canada, est aussi d'avis que le sondage reflète le fait que les Canadiens ne «s'intéressent pas» aux affaires internationales.

Non-ingérence du gouvernement

Mis à part pour Israël, le gouvernement actuel s'investit peu diplomatiquement au Moyen-Orient, note l'analyste. Il ne s'étonne pas dans ce contexte qu'Ottawa se soit contenté jusqu'à maintenant de fournir de l'aide humanitaire aux réfugiés syriens.

Un envoi d'armes ne figure pas dans les projets d'Ottawa même si les États-Unis et divers pays européens s'engagent dans cette voie.

«Lorsque l'Union européenne a annoncé [à la fin du mois de mai] la levée de l'embargo sur l'envoi d'armes à la Syrie, le Canada a dénoncé la décision en affirmant qu'elle aurait pour effet d'envenimer la situation», note M. Hassan-Yari, qui insiste sur l'importance du déséquilibre des forces entre les rebelles et le régime.

Les atermoiements des pays occidentaux dans le dossier s'expliquent en partie par l'opposition de la Russie, qui continue de soutenir le régime de Bachar al-Assad avec détermination.

La semaine dernière, le président russe Vladimir Poutine a souligné qu'il fallait s'abstenir d'appuyer des combattants qui «ouvrent les cadavres de leurs victimes pour manger leurs entrailles». Il faisait apparemment référence à une vidéo montrant un rebelle mordant dans un morceau de chair tiré du cadavre d'un soldat syrien.

Le sondage canadien paraît à la veille de la tenue d'un sommet important à Doha, au Qatar, des pays «amis de la Syrie» pour coordonner l'aide apportée à la rébellion.

Un porte-parole de l'Armée syrienne libre, principale force d'opposition, a indiqué à l'Agence France-Presse que les rebelles s'attendaient à ce que la décision de les armer soit officiellement annoncée aujourd'hui.

Les températures estivales élevées en Syrie, accompagnées de conditions d'hygiène passablement dégradées, risquent de mettre à mal la santé de quelque 4 millions d'enfants affectés par le conflit, a averti hier l'ONU. Les températures cet été en Syrie devraient se situer entre les 40 et 50°C, a expliqué une porte-parole du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), Marixie Mercado. Or, l'eau potable s'est largement raréfiée depuis le début du conflit, a-t-elle dit. Sans compter que les 4,25 millions de Syriens déplacés dans leur pays vivent dans des abris surpeuplés.