Le président syrien Bachar al-Assad a persisté jeudi dans son attitude de défi malgré plus de deux ans d'un conflit dévastateur, alors que ses troupes s'apprêtent à lancer l'assaut final contre la ville de Qousseir, théâtre depuis une dizaine de jours de violents combats entre rebelles et forces loyalistes.

Dans une interview à la chaîne Al-Manar du Hezbollah libanais diffusée jeudi, le président syrien a admis implicitement avoir reçu de son allié russe des systèmes sophistiqués de défense anti-aérienne et s'est dit sous «pression» pour ouvrir le front du Golan avec Israël.

Il a aussi répété être «très confiant» dans la victoire de ses troupes face aux rebelles et n'a pas écarté de se présenter à la présidentielle de 2014, au grand dam de l'opposition politique et militaire qui exige son départ du pouvoir.

Malgré les difficultés à organiser une conférence de paix internationale visant à trouver une solution politique au conflit en Syrie, l'ONU a annoncé la tenue d'une réunion préparatoire le 5 juin à Genève entre représentants des États-Unis, de Russie et des Nations unies.

Le régime Assad a donné son accord de principe à cette conférence initiée par Washington et Moscou, tout en refusant toute condition.

L'opposition a quant à elle exclu sa participation tant que «des militants iraniens et du Hezbollah envahissent la Syrie» en allusion aux deux soutiens du pouvoir.

M. Assad a reconnu pour la première fois que le puissant mouvement chiite libanais du Hezbollah combattait aux côtés de ses troupes dans la ville stratégique de Qousseir (centre-ouest), proche de la  frontière libanaise, que les loyalistes affirment être sur le point d'en reprendre totalement le contrôle.

Alors qu'Israël s'inquiète de la livraison par la Russie de missiles S-300 au pouvoir à Damas, M. Assad, interrogé sur cette question, a implicitement reconnu en avoir reçus.

«Accords honorés»

«Tous les accords passés avec la Russie seront honorés et une partie l'a déjà été dernièrement», a-t-il dit. «Les Russes et nous continuerons d'honorer ces accords».

Et agitant la menace de l'ouverture d'un front avec Israël, qui a mené trois raids près de Damas contre des cibles militaires, M. Assad a dit qu'«il y a une pression populaire manifeste pour ouvrir le front de résistance au Golan».

«Il y a plusieurs facteurs, (dont) les agressions israéliennes répétées», a-t-il dit. Le plateau du Golan a été occupé par Israël en 1967 et depuis cette date il n'y a pas eu de violences entre les deux pays, théoriquement en état de guerre.

M. Assad a également prévenu que son régime allait «riposter à toute agression israélienne la prochaine fois».

Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov a estimé mardi que la livraison prévue des missiles visait à dissuader toute velléité d'intervention extérieure dans le conflit.

Ces missiles ultra-modernes peuvent détruire des avions ou des missiles guidés, et selon le ministre israélien des Affaires stratégiques Youval Steinitz, peuvent atteindre des avions au-dessus du principal aéroport israélien.

Néanmoins, Israël a dit avant l'aveu implicite de M. Assad qu'il ne voulait pas provoquer «d'escalade» avec la Syrie mais ne permettrait pas le transfert d'armes «stratégiques» au Hezbollah, sa bête noire.

Appel à l'aide

Les livraisons d'armes au régime syrien par la Russie ne contribuent pas à régler la crise en Syrie, a déploré jeudi le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague.

À Washington, la porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC) a mis en garde la Russie sur de nouvelles livraisons d'armes à Bachar al-Assad, affirmant qu'elles ne feraient «que prolonger la violence».

Elle a estimé que la Russie devait plutôt «convaincre Assad de nommer une équipe dotée de pouvoirs réels pour négocier le transfert total de ses pouvoirs exécutifs à une instance gouvernementale de transition».

Réunie à Istanbul depuis huit jours, la Coalition de l'opposition syrienne a décidé de reporter l'élection de son président à la mi-juin. De même, la désignation du gouvernement du «Premier ministre» intérimaire Ghassan Hitto, également prévue lors de la réunion qui s'est achevée jeudi soir, a été reportée sine die.

Tout au long de la réunion, les deux principaux parrains financiers de la Coalition, le Qatar et l'Arabie saoudite, se sont livrés à une guerre d'influence pour son contrôle qui a paralysé toutes les discussions.

Sur le terrain, les combats continuent de faire rage dans le pays où plus de 94.000 personnes ont péri dans le pays en plus de deux ans selon une ONG syrienne et poussé à la fuite plus de 5 millions de Syriens.

À Qousseir, soldats et combattants du Hezbollah se préparent à y attaquer la dernière poche rebelle, alors que l'opposition a lancé un appel «urgent» à la communauté internationale pour sauver «plus de 1000 civils blessés» piégés dans la ville.

Le contrôle de Qousseir, cible d'un assaut lancé le 19 mai, est essentiel pour le pouvoir car la ville relie Damas au littoral, sa base arrière.

Trois Occidentaux, dont une Américaine et un Britannique musulmans, ont été tués par l'armée syrienne mercredi dans le nord-ouest de la Syrie, a rapporté jeudi l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), précisant qu'ils étaient vraisemblablement en train d'aider la rébellion.

«Ils ont été tués par balle au cours d'une embuscade dans la région d'Idleb et l'armée a retrouvé avec eux des cartes de positions militaires», a indiqué Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH qui se base sur un large réseau de militants et de sources militaires et médicales.