Le chef de l'opposition syrienne Ahmed Moaz al-Khatib a annoncé dimanche sa démission et la principale composante de la rébellion a désavoué le «premier ministre» rebelle, illustrant publiquement la difficulté des opposants à unir les rangs face au régime de Bachar al-Assad.

Ces annonces coup sur coup montrent aussi l'âpre rivalité des parrains des opposants, en particulier le Qatar et l'Arabie saoudite, qui entendent garder la main sur ceux qui pourraient un jour parvenir au pouvoir en cas de chute de l'actuel président, selon des sources politiques.

Sur le terrain, les rebelles ont pris dans le Sud le contrôle d'une bande de 25 km allant de la Jordanie à la ligne de cessez-le-feu avec Israël sur le Golan, des obus tirés par des rebelles sont tombés à Damas et un raid aérien de l'armée à Alep (nord) a tué 10 personnes, dont des enfants, a indiqué une ONG.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui s'appuie sur un large réseau de militants et de médecins, les violences à travers le pays ont causé la mort de 104 personnes - 61 civils, 18 soldats et 25 rebelles.

Depuis le début le 15 mars 2011 du conflit déclenché par une révolte populaire qui s'est militarisée face à la rébellion, plus de 70 000 personnes ont péri en Syrie où une solution semble très lointaine.

À la tête depuis novembre de la Coalition nationale de l'opposition, groupe  reconnu comme le représentant légitime du peuple syrien par des dizaines de pays et d'organisations internationales, M. Khatib a annoncé sur sa page Facebook qu'il démissionnait pour «pouvoir oeuvrer avec une liberté» qu'il ne pouvait avoir «au sein d'une organisation officielle».

«Ces deux dernières années, nous avons été égorgés par un régime d'une brutalité sans précédent, alors que le monde nous observait. Toutes les destructions, la détention de dizaines de milliers de personnes, l'exil forcé de centaines de milliers n'ont pas suffi pour que la communauté internationale prenne une décision afin de permettre au peuple de se défendre, a-t-il ajouté.

«J'ai fait une promesse à notre grand peuple que je démissionnerais si une ligne rouge était franchie. Aujourd'hui, j'honore ma promesse», a affirmé M. Khatib.

La communauté internationale reste divisée sur le conflit et vendredi, les pays européens ne sont pas parvenus à s'accorder sur l'envoi d'armes aux rebelles, réclamé par Londres et Paris.

Selon Ahmad Kamel, un membre de la Coalition de l'opposition, «les membres de l'Assemblée générale de la Coalition n'ont pas encore accepté cette démission et quelques-uns ont demandé à M. Khatib de retourner à son travail». Cette assemblée doit accepter la démission pour qu'elle devienne effective.

Selon des opposants, M. Khatib était hostile à la désignation d'un premier ministre rebelle par intérim, Ghassan Hitto, élu le 18 mars. Il reprochait «notamment au Qatar, de vouloir contrôler l'opposition» et d'avoir imposé l'élection de M. Hitto, soutenu par les Frères musulmans, a dit l'un d'eux.

M. Hitto, élu à Istanbul par 35 voix sur 49 après de difficiles discussions à huis clos, s'est rendu dimanche dans la province d'Alep, où de larges secteurs sont aux mains des rebelles, pour des entretiens avec des représentants du Conseil rebelle local.

L'armée syrienne libre (ALS) a annoncé son refus de M. Hitto. «Nous ne le reconnaissons pas comme premier ministre car il n'a pas été choisi par consensus», a déclaré Louaï Moqdad, un responsable de l'ASL.

Selon un politologue syrien, la crise au sein de l'opposition «illustre la rivalité entre le Qatar, qui s'appuie sur les Frères musulmans et est opposé à tout compromis avec le régime, et l'Arabie saoudite et les États-Unis, qui souhaitent une solution pour mettre fin à la guerre».

Le Qatar, qui accueille mardi un sommet arabe auquel il comptait convier l'opposition pour représenter la Syrie, a officiellement appelé M. Khatib à revenir sur sa démission, alors que le secrétaire d'État américain John Kerry a regretté le départ de M. Khatib.

Mais sur le terrain, les rebelles sur le front d'Alep ne sont pas du tout concernés par cette démission. «Rien ne va changer (...) même si toute la Coalition démissionne, car dans les faits ils n'ont rien pu faire pour les gens à l'intérieur du pays», a dit Abou Fouad, chef d'un groupe rebelle.