Le chef de l'opposition syrienne, Ahmed Moaz al-Khatib, a proposé lundi d'ouvrir des négociations avec le vice-président Farouk al-Chareh comme représentant du régime de Damas pour chercher une issue au conflit meurtrier dans le pays.

La diplomatie américaine a apporté son soutien à cet appel au dialogue avec le régime syrien, excluant toutefois l'immunité pour le président Bachar al-Assad.

«Si le régime (de Damas) a le moindre intérêt à (faire) la paix, il doit s'asseoir et parler maintenant avec la coalition de l'opposition syrienne, et nous soutiendrons fortement l'appel de Khatib», a déclaré la porte-parole du département d'État Victoria Nuland.

Evoqué tour à tour par la Ligue arabe, les Nations unies et la Turquie pour remplacer Bachar al-Assad en cas de transition négociée, M. Chareh, 73 ans, avait affiché ouvertement en décembre ses divergences avec le président syrien en se prononçant pour une solution négociée, alors que, selon lui, M. Assad a choisi l'option militaire afin d'écraser la rébellion armée.

«M. Chareh, depuis le début de la crise, voit que les choses ne vont pas dans le bon sens», a affirmé M. Khatib à la chaîne satellitaire arabe Al-Arabiya. «Si le régime accepte l'idée (du dialogue), je lui demande de déléguer Farouk al-Chareh pour qu'on discute avec lui».

Plus tôt dans la journée, le chef de l'opposition avait exhorté le régime à répondre positivement à son initiative de dialogue pour mettre fin au bain de sang qui a fait, selon l'ONU, plus de 60 000 morts en près de deux ans.

«La balle maintenant est dans le camp du régime (...), il doit dire oui ou non. Nous tendrons la main dans l'intérêt du peuple et pour aider le régime à partir en paix», a-t-il dit à la chaîne Al-Jazeera.

M. Khatib avait créé la surprise fin janvier en se disant prêt, pour la première fois, à dialoguer avec des représentants du régime n'ayant pas de «sang sur les mains».

Damas n'a pas encore réagi officiellement à la proposition de M. Khatib.

Dans son interview avec Al-Jazeera, le chef de la Coalition a insisté: «Je dis à Bachar al-Assad: "Regarde dans les yeux de tes enfants et essaie de trouver une solution". Nous nous entraiderons alors dans l'intérêt du peuple».

M. Chareh, chef de la diplomatie syrienne pendant 22 ans, avait affirmé en décembre qu'aucune partie n'était en mesure de l'emporter par les seules armes. Selon des experts, il jouit d'un soutien total de l'Iran, allié de la Syrie.

Des responsables iraniens, qui ont rencontré ces derniers jours pour la première fois le chef de l'opposition, ont salué la proposition de dialogue de M. Khatib, emboîtant le pas à la Russie, l'autre grand allié de Damas qui a également entamé une ouverture inédite à l'égard de l'opposition.

Lundi, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a appelé Damas et l'opposition à une «entente nationale», affirmant dans une interview à la chaîne panarabe Al Mayadeen, basée à Beyrouth, que la guerre n'était «pas la solution».

L'Iran menace Israël

De son côté, M. Khatib a répondu à ceux qui avaient critiqué sa politique de main tendue au sein de son propre camp, refusant «que ceux qui parlent de négociations soient accusés de trahison».

Ces déclarations interviennent alors que la population syrienne est épuisée par près de deux ans de tueries, de destructions et d'une terrible dégradation de la situation humanitaire.

Lundi, sept civils dont six enfants ont été tués par un bombardement de l'aviation syrienne près de la ville rebelle de Douma, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui s'appuie sur un réseau de militants et de sources médicales.

A travers le pays, les violences ont fait au moins 81 morts lundi -- 32 civils, 25 rebelles et 24 soldats --, selon un bilan provisoire de l'OSDH.

Malgré son ouverture à l'opposition, Téhéran ne cesse de soutenir son allié syrien, en particulier après le raid aérien mené par son ennemi juré, Israël, contre un complexe militaire près de Damas le 30 janvier.

«L'entité sioniste regrettera son agression contre la Syrie», a assuré le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien, Saïd Jalili, en visite à Damas.

Le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a implicitement confirmé dimanche le raid, réaffirmant qu'Israël ne permettrait pas que des armes soient transférées de Syrie au Hezbollah chiite libanais, allié de Damas et bête noire d'Israël.

Le ministre syrien de la Défense a soutenu lundi que le raid était une «riposte» aux opérations de l'armée syrienne contre les rebelles, que le régime accuse depuis le début de la révolte d'être instrumentalisés par Israël.