L'Observatoire syrien des droits de l'homme s'est imposé, depuis le début de la crise en Syrie, comme la source principale d'informations sur le drame qui se déroule dans ce pays. Son fondateur, Rami Abdurrahman, est en contact presque 24 heures sur 24 avec quelque 200 informateurs sur le terrain afin de dresser le portrait le plus juste possible de l'évolution du conflit armé. Il a accordé à notre collaborateur britannique une rare entrevue.

Il a fallu de nombreux échanges avec lui et son ancienne assistante pour le convaincre de nous rencontrer. Et encore, par crainte pour sa sécurité ou celle de sa famille, il n'a pas accepté de nous recevoir chez lui ou dans son magasin de vêtements, mais dans un salon de thé.

Avec son costume gris, son embonpoint, sa courte moustache et ses fines lunettes rectangulaires, Rami Abdurrahman ne ressemble en rien à l'image fantasmée de l'opposant politique. Depuis Coventry, ville du centre de l'Angleterre, il gère pourtant depuis mai 2006 l'Observatoire syrien des droits de l'homme, la source d'informations la plus fiable sur les troubles et incidents se déroulant en Syrie, et reprise comme telle par les principales agences de presse internationales.

Rami Abdurrahman - un nom d'emprunt - arrive au Royaume-Uni en 2000. Cadet d'une famille sunnite de neuf enfants, il quitte à 29 ans sa ville natale de Banyas et la Syrie «car cela devenait trop dangereux pour ma vie». Depuis son adolescence, il lutte contre les injustices du régime.

«J'avais 7 ans lorsque des policiers sont venus battre deux de mes soeurs parce qu'elles jouaient sur le toit de notre maison», se souvient-il.

«À son retour, mon père est allé se plaindre auprès du juge local du comportement des policiers, mais personne n'a voulu témoigner contre eux, tout le monde avait peur. J'ai découvert ce jour-là que tous les gens ne sont pas traités de la même manière et j'ai commencé à me demander pourquoi.»

Démocratie

À l'école secondaire, il crée le groupe uni pour la démocratie et en distribue des prospectus. Il sera arrêté et emprisonné plusieurs fois pour de courtes périodes, avant son départ en exil.

Aujourd'hui, ses deux téléphones sonnent constamment.

«Je dors entre une heure et cinq heures par nuit, car je reste toujours disponible pour mes 200 contacts établis en Syrie, dont je suis le seul à centraliser les informations», précise-t-il. Des informations qu'il ne relaie qu'après les avoir recoupées plusieurs fois pour s'assurer de leur véracité. «Elles sont ma crédibilité et je ne peux donc faire confiance à personne», se justifie-t-il.

Dans les incessantes critiques du régime de Bachar al-Assad, qui l'accusent d'être à la solde de l'étranger ou d'être un pion aux mains d'opposants malfaisants, il voit la preuve de la réussite de son travail.

«Si je ne disais pas la vérité, ils ne s'efforceraient pas tant que ça de détruire ma réputation. De toute manière, toutes mes informations se trouvent confirmées après que je les ai publiées.»

Cela ne le rend pas plus acceptable aux yeux des différentes oppositions officielles. «Je veux la démocratie dans mon pays, pas un régime autoritaire, des fanatiques religieux ou Al-Qaïda.»

Engagement

En attendant l'avènement de cette ère nouvelle, Rami Abdurrahman subit au quotidien les conséquences de son engagement.

«Ma femme disait que je rêve, que j'ai gâché notre vie normale en Syrie», raconte-t-il avec une certaine lassitude. «Mais nous n'avions pas une vie normale puisque tout le monde n'y a pas les mêmes droits! Elle a compris mon point de vue et s'occupe maintenant de la boutique, ce qui nous permet de vivre et de financer mes activités.»

Le visage de sa fille unique, née un mois après la création de l'observatoire, sert de photo de veille de l'un de ses téléphones.

«Je passe malheureusement plus de temps avec mon organisation qu'avec elle», admet-il la voix sombre. «Mais est-ce pire que de n'avoir pas vu ma mère depuis mon départ du pays il y a 12 ans? Je n'ai désormais plus le moindre contact avec toute ma famille restée en Syrie. Ils ont tous peur de me parler.»