Depuis des mois, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, demandait à l'OTAN de l'aider à protéger sa frontière, maintes fois malmenée par le régime syrien de Bachar al-Assad, qui mène un combat sans merci aux rebelles de l'Armée syrienne libre. Cette semaine, l'organisation de coopération militaire a acquiescé à la demande turque et promis de déployer des systèmes antimissiles Patriot. Les enjeux en trois questions et réponses.

Q La situation dégénère en Syrie depuis un an et demi. Pourquoi l'OTAN agit-elle maintenant?

R «La Turquie fait le calcul que la Syrie risque de continuer à harceler les réfugiés qui sont dans l'est du pays. Ce harcèlement va se faire avec des avions de chasse et des missiles qui entreront sur son territoire. Il est de l'intérêt de la Turquie de protéger sa population ainsi que les réfugiés», estime Jocelyn Coulon, directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix de l'Université de Montréal. Selon David Welch, détenteur de la chaire en sécurité globale au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, l'OTAN a attendu un certain temps avant de venir à la rescousse de la Turquie afin de ne pas internationaliser le conflit. «Cependant, en tant qu'alliance, il était nécessaire de montrer que tous les membres sont derrière la Turquie», note-t-il.

Q Quel sera le rôle des missiles Patriot?

R Selon l'énoncé de l'OTAN, les systèmes de défense antimissile seront déployés en Turquie par les États-Unis, l'Allemagne et les Pays-Bas pour des raisons défensives et auront pour objectif d'intercepter missiles et avions qui violeraient le territoire turc. De confection américaine, les Patriots ont surtout été utilisés pendant la première guerre du Golfe, avec une efficacité restreinte, rappelle M. Welch. «Depuis, ils ont été améliorés, notamment au chapitre des logiciels, mais nous n'avons pas encore vu leur efficacité.» À long terme, les Patriots pourraient être utilisés dans l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne, mais cette mesure devrait alors être accompagnée de ressources militaires beaucoup plus importantes, ajoute Jocelyn Coulon.

Q La Turquie craint notamment que Bachar al-Assad utilise des armes chimiques. Jusqu'à quel point cette menace est réelle?

R «Nous ne connaissons pas le potentiel total du régime syrien. Nous savons qu'Assad possède des armes chimiques parce qu'il l'a dit», rappelle Jocelyn Coulon. Selon maints rapports, la Syrie serait en possession de sarin, de gaz de moutarde et d'autres substances toxiques s'attaquant au système nerveux. «Bachar al-Assad n'a jamais utilisé les armes chimiques et a dit qu'il ne les utiliserait pas contre sa population. Cependant, il dit qu'il est prêt à l'utiliser contre les «envahisseurs», qui se trouvent en Syrie ou, en d'autres termes, les rebelles. Ces derniers se trouvent dans les villes. Donc, si on fait des déductions, il n'est pas exclu qu'il utilise ces armes», explique M. Coulon. David Welch croit pour sa part qu'il est peu probable que ces armes soient utilisées contre la Turquie. Une telle agression entraînerait une intervention militaire internationale contre le régime baasiste, remarque l'expert.