Les rebelles syriens ont affirmé avoir lancé jeudi une attaque décisive pour prendre la ville d'Alep, dans le nord du pays, théâtre d'une bataille acharnée contre les forces gouvernementales depuis deux mois.

Ailleurs dans le pays, l'armée a bombardé plusieurs bastions rebelles, au lendemain de la journée la plus sanglante depuis le début de la révolte en mars 2011, avec 305 morts, selon une ONG syrienne.

En marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, les États unis ont demandé au Conseil de sécurité de «tenter une nouvelle fois» de trouver un accord pour mettre fin au conflit, et le chef de la Ligue arabe Nabil al-Arabi a déploré les «désaccords» au sein de cette instance, entre partisans d'un départ du président Bachar al-Assad et défenseurs de son régime.

«Ce soir, soit Alep sera à nous, soit nous serons défaits», a affirmé à une journaliste de l'AFP Abou Fourat, officier déserteur et l'un des chefs de la brigade rebelle al-Tawhid, la plus importante d'Alep, parlant de «milliers» de combattants.

La journaliste de l'AFP a vu des rebelles se regrouper par dizaines dans des écoles du quartier d'Izaa (nord) et tirer des obus de mortiers, s'encourageant par talkie-walkie.

Suite à cette annonce, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a fait état «de violents combats» entre soldats et rebelles dans les quartiers d'Izaa, Seif al-Dawla (sud-ouest) et d'autres secteurs auxquels participent des «centaines de combattants» insurgés.

Après avoir effectué une importante percée fin juillet, peu après le début des combats dans la capitale économique du pays, les rebelles n'ont pu mener d'offensive d'envergure, notamment en raison d'un manque d'armes, et aussi à cause de la puissance de feu des forces gouvernementales.

Journée la plus sanglante

Le régime syrien, qui bombarde régulièrement la ville depuis les airs, avait annoncé mardi la reprise d'Arkoub, un grand quartier de l'est d'Alep.

Ailleurs dans le pays, l'armée a pilonné plusieurs bastions rebelles dans les provinces de Homs, Hama (centre), Idleb (nord-ouest), Lattaquié (nord-ouest), et Deir Ezzor (est), selon l'OSDH.

Dans la principale région pétrolifère de Syrie, à Hassaka (nord-est), des inconnus ont fait exploser un oléoduc et enlevé le directeur de la station de pompage.

La télévision officielle a en outre rapporté que les forces de sécurité avaient attaqué le repère d'un «groupe terroriste» dans le quartier insurgé de Jobar à Damas, faisant des «morts et des blessés».

Au moins 59 personnes --38 civils (dont cinq enfants), 16 soldats et cinq rebelles-- ont péri jeudi dans les violences dans le pays, selon un bilan provisoire de l'OSDH.

Mercredi, au moins 305 personnes, dont 199 civils, avaient été tuées, le bilan plus lourd enregistré en une seule journée en 18 mois, selon un décompte de l'OSDH.

Un double attentat a notamment frappé le siège de l'état-major de l'armée au coeur de Damas tuant quatre gardes, une attaque revendiquée par un groupe jihadiste, la branche de Damas de Tajamo Ansar al-islam.

Le conflit a fait au total plus de 30 000 morts, selon l'OSDH, alors qu'environ deux millions de Syriens manquent de produits de première nécessité, une situation de plus en plus inquiétante à l'approche de l'hiver.

Autre signe de l'ampleur du désastre humanitaire, l'ONU a estimé à plus de 700 000 le nombre de Syriens qui se réfugieraient dans les pays voisins fin 2012, révisant à la hausse ses besoins, à 487,9 millions USD.

Selon le Haut commissariat pour les réfugiés, plus de 500 000 Syriens ont déjà fui leur pays, dont 75% sont des femmes et des enfants.

«Paralysie» du Conseil de sécurité

Les Occidentaux et de nombreux pays arabes réclament un départ du pouvoir du président Assad qui veut en finir «à tout prix» avec les rebelles assimilés à des «terroristes», alors que Russes et Chinois refusent toute ingérence dans les affaires de leur allié syrien.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, dont le pays réclame le départ du président Assad, a déploré «la paralysie» du Conseil de sécurité «pendant que les atrocités augmentent», et demandé «instamment que nous tentions une nouvelle fois de trouver un moyen de progresser» vers un accord.

Mais son homologue russe Sergueï Lavrov a rétorqué en rejetant de nouveau la responsabilité de l'impasse sur les «pays qui incitent les opposants à refuser un cessez-le-feu et un dialogue» avec le régime, en allusion aux Occidentaux.

Et le président russe, Vladimir Poutine, a renchéri en disant que les Occidentaux avaient semé le «chaos» dans de nombreux pays, le faisaient en Syrie et qu'ils ne pouvaient «pas s'arrêter» malgré les mises en garde de la Russie, dans des déclarations retransmises à la télévision.

Le blocage de la Russie à toute résolution du Conseil de sécurité de l'ONU est «juste une excuse» dont se sert la communauté internationale pour ne pas aider les Syriens à renverser le président Assad, a estimé de son côté le chef des Frères musulmans de Syrie, Mohammad Riad al-Shakfa, dont la formation constitue une influente composante de l'opposition syrienne.