L'armée a intensifié mercredi ses raids meurtriers contre les secteurs rebelles de Damas et d'Alep, au lendemain d'une proposition du régime de discuter d'un départ du président Bachar al-Assad dans le cadre d'un dialogue, rejetée par l'opposition et ses alliés occidentaux.

Alors que la mort fait partie du quotidien des Syriens depuis des mois, au moins 109 personnes --65 civils, 29 soldats et 15 rebelles-- ont été tuées dans des violences à travers le pays notamment à Damas, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Appuyée par des hélicoptères et l'artillerie lourde, l'armée a lancé une opération d'envergure à Kafar Soussé, dans l'ouest de Damas, et dans sa banlieue, faisant au moins 24 morts tandis qu'un attentat à la voiture piégée a tué trois personnes à Doummar, tout près de la capitale, a précisé l'ONG.

Des combats acharnés se déroulaient également dans les quartiers de Tadamoun et de Jobar, alors que les autorités avaient affirmé il y a quelques semaines avoir repris le contrôle de toute la capitale après en avoir chassé les rebelles.

L'OSDH a par ailleurs accusé les troupes du régime d'avoir tué 42 civils mardi à Maadamiyat al-Cham, à 6 km de Damas, dont certains auraient été sommairement exécutés. Elles ont notamment tiré sur une procession funéraire, selon l'ONG.

Ailleurs dans le pays, l'aviation du régime a bombardé des secteurs rebelles du sud d'Alep, la grande métropole du Nord où les insurgés opposent une résistance farouche aux troupes depuis plus d'un mois.

L'armée a tiré des obus sur des quartiers de l'est de la cité et des combats faisaient rage dans plusieurs autres zones, selon l'OSDH. La veille, armée et rébellion avaient toutes deux affirmé avoir gagné du terrain à Alep.

Alep consumée par la violence

Cette ville, autrefois la plus florissante du pays grâce à sa production industrielle, se consume aujourd'hui sous le déluge de feu de l'armée et des rebelles qui luttent avec acharnement pour son contrôle.

Car c'est dans cette ville, stratégique pour sa richesse et sa proximité avec la frontière turque que se joue, selon le régime, «la mère de toutes les batailles» dans ce conflit qui dure depuis plus de 17 mois.

Partout à Alep, se dressent des tas d'ordures d'où s'élève une fumée noire. Tous les jours, des taxis transportant des blessés passent en trombe alors que des rebelles tentent d'abattre les hélicoptères qui tirent sur leurs positions.

Plus à l'est, à la frontière irakienne, les insurgés ont affirmé avoir pris le contrôle de secteurs de la ville de Boukamal, a indiqué l'OSDH tout en jugeant «très difficile de prendre la totalité de la ville» en raison du déploiement massif des troupes.

Les villes de Homs (centre), d'Idleb (nord-ouest) et de Deraa (sud), où les rebelles continuent de résister, ne sont pas non plus épargnées par les attaques aériennes et terrestres du régime toujours déterminé à étouffer la révolte.

La contestation populaire déclenchée en mars 2011 par des manifestations pacifiques réclamant des réformes démocratiques, a pris une tournure violente avec les défections des soldats et des civils qui ont pris les armes face à la répression brutale menée par le régime Assad.

Plus de 23 000 personnes ont péri en 17 mois selon l'OSDH.

En outre, un journaliste du quotidien officiel Techrine, Moussab al-Odallah, qui était partisan de l'opposition, a été abattu à son domicile à Damas, selon ses proches.

Manoeuvre dilatoire

Alors que le conflit ne donne aucun signe de répit, le vice-premier ministre Qadri Jamil a dit mardi qu'un départ de M. Assad, réclamé par une partie des Syriens, ne pouvait être posé comme préalable à un dialogue mais pouvait être discuté dans le cadre de négociations avec l'opposition.

Selon des sources politiques à Damas, M. Jamil s'est rendu à Moscou, fidèle allié du régime, pour discuter d'un projet d'organiser une présidentielle anticipée avec la participation de tous les candidats le souhaitant, y compris M. Assad, sous supervision internationale. Mais Paris et Washington, de même que plusieurs pays arabes, refusent une telle candidature.

Les deux capitales ont d'ailleurs de nouveau exprimé leur volonté de voir M. Assad quitter le pouvoir rapidement.

Le président français François Hollande et l'émir du Qatar, cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani, ont décidé, lors d'une rencontre à Paris, de coordonner leurs efforts pour une «transition politique» à Damas.

«Plus vite Assad s'en ira, plus nous aurons de chances de passer rapidement au +jour d'après+», pour une transition, a dit le département d'État.

Pour Burhan Ghalioun, figure majeure de l'opposition syrienne, cette déclaration est une manoeuvre dilatoire. «Chaque fois que le régime veut gagner du temps, il appelle au dialogue mais il ne pense pas un seul instant mettre un terme à la guerre contre son peuple», a-t-il estimé.

L'opposition exclut tout dialogue avant le départ de M. Assad, dont la famille gouverne le Syrie depuis plus de quatre décennies.

Chez le voisin libanais, les affrontements armés entre habitants libanais alaouites pro-Assad et sunnites anti-régime à Tripoli (nord) qui ont fait ces trois derniers jours neuf morts et 84 blessés, ont baissé d'intensité et un cessez-le-feu précaire a été instauré.