Un officier de haut rang de l'armée syrienne, proche de la famille Assad et ami d'enfance du chef de l'État, a fait défection. Le général Mounaf Tlass est le fils du général Moustapha Tlass, ancien ministre de la Défense et compagnon de la première heure d'Hafez al-Assad, père de l'actuel chef d'État.        

Dans un communiqué non authentifié publié à Paris, Mounaf Tlass a appelé ses anciens collègues à faire défection.

La famille Tlass est sunnite, alors que le clan Assad et la majorité des officiers sont de la minorité alaouite. Selon un article de l'AFP paru l'hiver dernier, le clan Tlass était responsable de l'appui continu des familles commerçantes sunnites d'Aleph et de Damas au régime.

Cet appui est désormais compromis. Le New York Times a rapporté hier que Moustapha Tlass se trouvait depuis mars à Paris, officiellement pour y recevoir des traitements, mais en réalité à cause d'un désaccord avec le beau-frère de Bachar al-Assad, chef du renseignement. L'autre fils de Moustapha Tlass, Firas, homme d'affaires récemment cité dans les publications d'affaires, se trouverait aux Émirats arabes unis.

L'AFP a rapporté hier que Mounaf Tlass, âgé d'une quarantaine d'années, avait déjà envoyé sa femme et ses enfants à l'étranger. «Il ne risque rien», indique Joshua Landis, directeur du centre d'études sur le Moyen-Orient de l'Université de l'Oklahoma, sur son blogue Syria Comment.

Hauts lieux de la rébellion

La famille Tlass est originaire de Rastane, dans la province de Homs, élevée au rang de chef-lieu dans les années 70. C'est l'un des hauts lieux de la rébellion et des défections de soldats: le chef à Homs de la brigade Farouk, unité combattante de l'Armée libre syrienne composée en grande partie de déserteurs, est Abdel Razzak Tlass, cousin de Mounaf Tlass.

Général dans la Garde républicaine, unité d'élite chargée de la protection du régime, Mounaf Tlass avait été écarté il y a plus d'un an de ses responsabilités, car jugé peu fiable, selon l'AFP. Il avait tenté des missions de conciliation entre le pouvoir et les rebelles à Rastane et à Deraa, mais sans succès. Depuis plusieurs mois, il avait troqué son uniforme pour des habits civils et se trouvait à Damas, où il s'était laissé pousser les cheveux et la barbe.

Il existe d'autres rapports sur l'évolution récente de la carrière de Mounaf Tlass. Une autre source à Damas a confié à l'AFP que la rupture avec le pouvoir avait été consommée lors de l'attaque en février et mars derniers contre Baba Amr, quartier de Homs contrôlé par les rebelles. Il avait refusé de prendre la tête de l'unité chargée de reprendre ce secteur et Bachar al-Assad l'aurait ensuite mis à l'écart. Quant à Joshua Landis, il rapporte que Mounaf Tlass aurait récemment négocié avec succès avec les rebelles un cessez-le-feu dans des villes de la banlieue de Damas; mais cette entente aurait été rejetée par le clan Assad, parce qu'elle prévoyait le retrait et des rebelles et de l'armée.

La Garde républicaine est dirigée par Maher al-Assad, frère du président. Selon le Financial Times, Maher al-Assad ferait l'objet d'un culte de plus en plus public chez les alaouites, parce qu'il projette davantage de fermeté que Bachar al-Assad.

Moustapha Tlass s'est lié à Hafez al-Assad durant leurs études militaires, dans les années 50. Il a soutenu l'ascension au pouvoir d'Hafez al-Assad en 1972 et en a été récompensé par le poste de ministre de la Défense, qu'il a occupé jusqu'en 2004. Son retrait de la vie politique avait d'ailleurs été présenté comme un signe de la volonté d'ouverture de Bachar al-Assad.

La fille de Moustapha Tlass, Nahed Ojjeh, veuve d'un trafiquant d'armes, était selon les médias français la représentante officieuse des Assad en France, tenant un salon fréquenté par le gotha de la politique française. Dans les années 80, des liens étroits avec Roland Dumas, alors responsable de la politique étrangère, ont valu à ce dernier le surnom Roland de Damas.

Nouvel assaut diplomatique

Les pays arabes et occidentaux réunis à Paris ont demandé hier au Conseil de sécurité de l'ONU d'adopter une résolution contraignante comportant une menace de sanctions contre Damas, au moment où le monde apprenait la défection d'un officier de très haut rang proche de Bachar al-Assad. La centaine de pays occidentaux et arabes et organisations, réunis pour la troisième fois au sein du groupe des Amis du peuple syrien, ont en tête de leurs conclusions «tenu à souligner que Bachar al-Assad devait abandonner le pouvoir». Les Amis de la Syrie se sont limités pour l'instant à la menace de sanctions par l'ONU. Mais le chef de la diplomatie allemande Guido Westerwelle a expliqué que des mesures militaires seraient discutées «peut-être dans d'autres réunions, si la mise en oeuvre des sanctions n'aboutit pas aux progrès qu'elles auraient dû avoir».

Samedi dernier, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité se sont entendus à Genève sur la formation d'un gouvernement de transition en Syrie et sur la nécessité d'appliquer le plan de l'émissaire international Kofi Annan, qui prévoit notamment une trêve jamais entrée en vigueur. Mais les Occidentaux, d'un côté, la Russie et la Chine, de l'autre, divergent sur l'interprétation à donner à cet accord.

En Syrie, des manifestations «massives» réclamant la chute du régime du président syrien Bachar al-Assad se sont déroulées hier à Deir Ezzor, dans l'est du pays, faisant fi de la répression dans cette ville rebelle, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Au total, 29 personnes - 13 civils, 14 soldats et 2 rebelles - ont été tuées dans les violences.

Avec Agence France-Presse

Un « coup énorme »

Cette défection porte un « coup énorme » au régime et l'opposition va chercher à « coopérer » avec lui, a déclaré vendredi le chef du Conseil national syrien (opposition).

La défection du général Mounaf Tlass « constitue un coup énorme pour le régime d'Assad. Nous allons chercher à coopérer avec lui. Nous appelons à d'autres défections », a déclaré lors d'une conférence de presse le président du CNS (qui rassemble la majeure partie des opposants), Abdel Basset Sayda.

« Si la défection de Mounaf Tlass est confirmée, ce sera un coup douloureux pour le régime et les cercles proches, car il était intime de la famille régnante », avait affirmé jeudi le président de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane.

Cette défection intervient alors que plus de 16 500 personnes ont perdu la vie dans les violences en Syrie depuis le déclenchement de la révolte contre le régime de M. Assad, selon un dernier bilan de l'OSDH.

Photo: Archives AFP