Des corps carbonisés de femmes et d'enfants gisent dans des maisons à Al-Koubeir, victimes d'un massacre commis par les forces du régime mercredi dans cette zone rurale du centre de la Syrie, selon un témoin et des militants.

« Des corps brûlés d'enfants, de femmes et de jeunes filles gisent à même le sol », raconte par téléphone à l'AFP Laith, un jeune villageois qui vit à proximité d'Al-Koubeir, une petite enclave sunnite dans la province de Hama, où vivent quelque 150 éleveurs et fermiers.

« Ce que j'ai vu est inimaginable. Ç'a été un massacre horrible (...) les gens ont été exécutés et (leurs corps) brûlés. Les corps des hommes jeunes ont été emportés », rapporte Laith d'une voix tremblante.

Il préfère taire son nom de famille, craignant d'être la cible de représailles de la part des forces du régime.

Ces informations ne peuvent être vérifiées de manière indépendante en raison des importantes restrictions imposées aux journalistes en Syrie.

Au moins 55 personnes ont été tuées, dont 49 à Al-Koubeir et six dans un village voisin, a indiqué jeudi à l'AFP le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, ajoutant que « parmi les victimes, figurent 18 femmes et enfants ».

Dans un précédent bilan, l'OSDH avait fait état de 87 morts dans ce massacre tout en soulignant que le bilan n'était pas définitif.

Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a évoqué 80 morts, dont 22 enfants et 20 femmes.

Ce massacre a été attribué par le CNS et l'OSDH au régime syrien qui a démenti.

«Ce que quelques médias ont rapporté sur ce qui s'est passé à Al-Koubeir, dans la région de Hama, est complètement faux», a indiqué le gouvernement syrien dans un communiqué, accusant «un groupe terroriste d'avoir commis un crime haineux dans la région de Hama qui a fait neuf victimes».

Les Frères musulmans en Syrie ont aussi accusé dans un communiqué le régime de Bachar al-Assad «d'avoir commis un nouveau massacre à Al-Koubeir» ajoutant que des enfants et des femmes figurent parmi les victimes.

Selon Laith, qui vit dans un village proche d'Al-Koubeir, « pas une seule manifestation » anti-régime ne s'y est déroulée depuis le début du soulèvement en Syrie à la mi-mars 2011.

Le massacre a commencé vers 14h mercredi (7h, heure de Montréal). La zone était cernée par des chars et « les troupes ont commencé à bombarder Al-Koubeir, sans cesser jusqu'à 20 h », se souvient-il.

Les chabbiha, des milices pro-régime, arrivées de régions alaouites proches, sont ensuite entrées dans Al-Koubeir, a-t-il poursuivi.

« Ils avaient des armes à feu et des couteaux. Ils sont arrivés de villages proches comme Asileh, qui est alaouite », a-t-il expliqué.

Les Alaouites détiennent depuis 1970 les postes-clés du pouvoir en Syrie. Le président Assad est lui-même de confession alaouite, une branche minoritaire de l'islam chiite.

« Des gens de ce village que je connais m'ont dit que la nuit dernière, les miliciens des chabbiha ont bu et dansé autour des corps, scandant des slogans en hommage à Bachar al-Assad », a ajouté Laith.

Les observateurs ont été appelés « une trentaine de fois », a-t-il dénoncé. « Mais ils ne sont pas venus. (...) Nous ne pouvons tout simplement plus accepter cela (...) les gens se font tuer, tout est un montage, un mensonge », s'est-il emporté.

Les observateurs de l'ONU déployés en Syrie ont été empêchés jeudi, notamment « par des barrages de l'armée », de se rendre à Al-Koubeir, a annoncé le chef de la mission, le général Robert Mood.

Des militants de Hama ont également accusé les chabbiha d'être responsables du massacre dans ce petit village.

« Je pense qu'ils ont demandé aux voyous de remettre un message au peuple syrien disant "soit vous êtes avec nous, soit contre nous" », a estimé Abou Ghazi al-Hamwi, un militant s'exprimant sous un faux nom par crainte de représailles.

« Les gens qui ne prennent pas parti sont une cible, car le régime ne sait plus quoi faire pour arrêter la révolte. Il essaie de prouver que c'est une guerre, non un soulèvement », a-t-il déclaré, joint via Skype par l'AFP.

« La violence est pire dans les zones où sunnites et alaouites cohabitent. Le régime essaie de diviser la société », a-t-il ajouté précisant qu'il avait parlé à un survivant du massacre, qui y a échappé en faisant le mort et avait perdu « 35 membres de sa famille ».

Lui aussi a reproché aux observateurs de l'ONU de ne pas être arrivés rapidement sur le site.

« Quand l'armée s'est déployée et que le bombardement de 20 à 25 maisons a commencé, des militants ont appelé les observateurs de l'ONU, qui leur ont répondu qu'ils ne pouvaient pas s'y rendre car il était tard », a-t-il ajouté.

Pour Moussab al-Hamadi, un autre militant basé à Hama : « le régime veut provoquer des affrontements sectaires dans le pays ».

« Tout le monde ici dépend de l'Armée syrienne libre (ASL, composée de déserteurs de l'armée). La communauté internationale nous a lâchés », a-t-il estimé.