La Syrie a rejeté en bloc jeudi les soupçons pesant sur le régime quant à sa responsabilité dans le massacre de Houla et balayé les propos du secrétaire général de l'ONU qui a mis en garde contre une «guerre civile catastrophique» dans le pays.

De leur côté, les opposants au régime syrien ont appelé à manifester vendredi en hommage aux 49 enfants tués à Houla le 25 mai.

Selon le chef de la commission justice-armée, les résultats préliminaires de l'enquête menée par les autorités syriennes ont mis en cause des «groupes armés» dans cette tuerie qui a fait 108 morts au total.

«Des groupes armés ont tué des familles pacifiques», a annoncé le général Kassem Jamal Sleimane affirmant que ces familles «avaient refusé de se soulever contre l'Etat et étaient en désaccord avec les groupes armés», en référence aux insurgés qui combattent les troupes gouvernementales.

Un haut responsable de l'ONU a affirmé mardi avoir de «forts soupçons» sur l'implication des «chabbiha», des miliciens pro-régime, dans le massacre de Houla.

Le commandement intérieur de l'Armée syrienne libre (ASL) a donné jusqu'à vendredi midi (5h, heure de Montréal) au régime pour appliquer le plan de paix de l'émissaire international Kofi Annan, qui prévoit un arrêt des violences, à défaut de quoi elle ne sera plus tenue par cette initiative qui suscite des doutes grandissants.

Ce commandement mène des opérations contre les troupes du régime en territoire syrien. Il est théoriquement chapeauté par le Conseil militaire supérieur de l'ASL basé en Turquie, qui ne soutient pas cet ultimatum, signe des clivages qui émergent au sein de l'oppositon armée.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a mis en garde contre le risque d'une «guerre civile catastrophique» après le massacre de Houla.

«Des massacres de ce genre (...) peuvent faire sombrer la Syrie dans une guerre civile catastrophique, une guerre civile dont le pays ne pourra jamais se relever», a dit M. Ban.

«Je demande que l'administration syrienne honore son engagement d'appliquer le plan de paix Annan», y compris le cessez-le-feu, a dit M. Ban. Instaurée le 12 avril, la trêve est systématiquement violée depuis.

Le régime syrien, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères Jihad Makdissi, a regretté «que le secrétaire général des Nations Unies se soit départi de sa mission de maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, pour devenir un annonciateur de guerres civiles».

Face à l'escalade en Syrie, la communauté internationale est paralysée par ses divisions, la Russie, alliée indéfectible du régime de Bachar al-Assad, dotée d'un droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, réitérant qu'elle ne changerait pas sa position «équilibrée et logique» sous la pression.

La chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton a indiqué avoir dit aux Russes, qui refusent toute nouvelle initiative de l'ONU sur la Syrie, «que leur politique allait contribuer à une guerre civile».

Poursuivant sa première tournée à l'étranger depuis son élection, le président russe Vladimir Poutine sera vendredi à Berlin et Paris, où il affrontera des pressions pour infléchir son soutien à Damas, après une première étape au Bélarus.

La Maison-Blanche a affirmé jeudi que Barack Obama était «horrifié» par les violences en Syrie mais que les Etats-Unis ne pouvaient pas «mettre fin à toutes les horreurs dans le monde».

Selon l'ambassadeur américain auprès de l'Alliance atlantique, aucune discussion n'est en cours au sein de l'Otan en vue d'une éventuelle intervention en Syrie car les conditions ne sont pas réunies à l'heure actuelle.

Le secrétaire à la Défense américain Leon Panetta a estimé de son côté jeudi que toute intervention militaire devrait recevoir le soutien de l'ONU, tout en jugeant «intolérable» les actes de violences survenus récemment en Syrie.

M. Panetta a déclaré que son devoir en tant que chef du Pentagone était «de s'assurer que quand nous déployons nos hommes et nos femmes en uniforme, et que nous les mettons en danger, nous savons de quelle mission il s'agit, mais également de quel type de soutien nous avons besoin pour l'accomplir».

Le président français François Hollande, qui reçoit vendredi M. Poutine à Paris, a fait part de son ambition d'infléchir sa position.

Des représentants des pays arabes réunis en Tunisie ont exhorté Pékin, autre soutien de Damas, à «faire pression» sur le régime.

Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition syrienne, a appelé jeudi M. Annan à faire passer de 300 à 3000 le nombre d'observateurs déployés par l'ONU en Syrie pour surveiller le cessez-le-feu.

Les observateurs de l'ONU n'arrivent pas à faire respecter le cessez-le-feu, la répression menée par le régime continuant de même que les combats entre soldats et rebelles avec des dizaines de morts tous les jours.

La ville de Rastane (centre), place forte de la rébellion, était violemment bombardée jeudi, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme, selon qui neuf personnes ont péri dans les violences jeudi.

Depuis le début de la révolte en mars 2011, plus de 13 000 Syriens ont trouvé la mort, en majorité des civils, selon l'ONG.

M. Annan a rencontré jeudi le président du Liban Michel Sleimane ainsi que d'autres dirigeants libanais, avec qui il s'est entretenu de la Syrie.

Dans ce pays où le conflit syrien a généré des tensions meurtrières, des habitants de la ville frontalière d'Abboudiyeh ont bloqué une route menant à la Syrie, pour protester contre l'«enlèvement» la veille de deux Libanais, perpétré selon l'agence libanaise par des hommes armés venus de Syrie.

Un troisième libanais a été enlevé jeudi à la frontière avec la Syrie, dans l'est du pays, par des Syriens en tenue militaire, selon une source de l'armée libanaise.