Les journalistes français Edith Bouvier et William Daniels, rentrés en France vendredi après neuf jours à Homs, ont le sentiment d'avoir été «directement visés» par les bombardements syriens, rendant hommage aux rebelles qui les ont exfiltrés, dans Le Figaro de samedi.

Edith Bouvier, reporter au quotidien français Figaro, et William Daniels, photographe indépendant, ont livré le récit des neuf jours, du 21 février au 1er mars, passés à Homs, dans le quartier rebelle de Baba Amr qu'ils avaient rejoint clandestinement grâce aux réseaux de l'Armée syrienne libre (ASL).

Ils étaient présents en même temps que plusieurs de leurs confrères, l'Américaine Marie Colvin (Sunday Times), le photographe britannique Paul Conroy, le reporter espagnol Javier Espinosa (El Mundo) et le photographe français Rémi Ochlik.

Edith Bouvier et William Daniels sont revenus longuement sur le pilonnage qui a tué Marie Colvin et Rémi Ochlik, le matin du 22 février alors que les journalistes se trouvaient dans une maison servant de centre de presse à Baba Amr.

«Il y a eu au moins cinq explosions successives, très proches. On avait vraiment l'impression que nous étions directement visés», ont expliqué les deux journalistes au Figaro.

«Les activistes syriens qui étaient avec nous, habitués à ces bombardements, ont compris tout de suite le danger. Ils nous ont dit, il faut s'en aller tout de suite», racontent Edith Bouvier et William Daniels.

Marie Colvin et Rémi Ochlik ont été les premiers à sortir. Un projectile s'est abattu devant le centre de presse. «La déflagration est terrible. Marie Colvin et Rémi Ochlik se trouvent pratiquement sur le point d'impact. Ils sont tués sur le coup», d'après le récit rapporté par Le Figaro.

Edith Bouvier, grièvement blessée, ne pouvait plus bouger la jambe: «j'ai hurlé». Les insurgés de l'Armée syrienne libre ont emmené les journalistes vers un hôpital de campagne puis dans une maison de Baba Amr.

Suivront plusieurs tentatives d'évacuation par le Comité international de la Croix rouge avant que, devant le menace d'assaut final par l'armée syrienne, les rebelles de l'ASL ne tentent d'exfiltrer les journalistes occidentaux.

Une première tentative à travers un tunnel a échoué sous les bombardements syriens, dans la nuit du 26 au 27 février, seuls Paul Conroy et Javier Espinosa parvenant à être exfiltrés par l'ASL et à gagner le Liban.

«On ne savait rien. On ne comprenait rien à ce qui se passait. La sortie était-elle bloquée ? Les soldats syriens allaient-ils descendre ? J'ai eu très envie de m'enfuir. Avant de me rappeler que j'étais immobilisée», témoigne Edith Bouvier transportée sur une civière et enroulée de ruban adhésif.

Le groupe comprenant les deux journalistes français a réussi à rebrousser chemin à l'intérieur du souterrain et à regagner à moto l'hôpital de campagne de Baba Amr où Edith Bouvier a été opérée en urgence.

L'ASL a alors décidé de sortir les deux journalistes «par un véhicule, le long d'un itinéraire secret. On a accepté. On était à bout, psychologiquement et physiquement. Il fallait qu'on sorte», relatent-ils.

Edith Bouvier et William Daniels sont allés de cachette en cachette, «accueillis, malgré les risques, dans des maisons par des habitants qui les saluent par leurs prénoms», raconte Le Figaro.

Dans la neige et la pluie, leur itinéraire était «ouvert par des éclaireurs qui reconnaissent les routes et les chemins détournés». «Ils se sont vraiment mis en danger pour nous, ils ont tout fait pour nous», a confié Edith Bouvier.

En changeant plusieurs fois de véhicule (pick-up, camion), sur des chemins de montagne, les deux journalistes ont atteint la frontière libanaise jeudi soir avant d'être rapatriés par avion vendredi en France.

Le quartier de Baba Amr, pilonné sans relâche par le régime pendant plus de 25 jours, a été pris jeudi par les troupes gouvernementales.