«Ou bien nous réussissons à partir d'ici, ou bien nous allons tous mourir.»

Pour ce soldat de l'Armée syrienne libre joint hier au début de la soirée à Homs, en Syrie, la victoire contre les troupes de Bachar al-Assad ne fait plus partie des scénarios envisageables.

Pas dans un avenir immédiat, en tout cas. Et pas dans le quartier de Baba Amr, pilonné sans merci depuis 26 jours par l'armée syrienne.

Mardi soir, vers 18 h, Baba Amr a perdu tous ses liens avec le reste de la planète, y compris les autres quartiers de Homs, laissant présager une offensive terrestre imminente.

Les informations qui en proviennent, depuis, sont forcément confuses et partielles. Dans une brève conversation sur Skype, notre soldat, appelons-le Abou Khaled, a dépeint une situation désespérée pour l'armée rebelle, coincée dans une enclave encerclée de toute part. Et incapable de se replier sans s'exposer à une pluie d'artillerie lourde.

Des blindés

La 4e division de l'armée syrienne, dirigée par le frère de Bachar al-Assad, Maher, a lancé ses blindés vers Baba Amr, a confirmé Abou Khaled. Au moment de notre conversation, ce corps d'élite ne s'était déployé que sur une poignée de rues. Et les principales artères de la ville étaient encore contrôlées par les opposants du régime.

Mais selon le témoignage du soldat, l'armée rebelle compte au moins 200 blessés. Elle commence à manquer de munitions. Et les insurgés, qui tentent désespérément d'évacuer les derniers civils de Baba Amr, s'attendent à une attaque meurtrière.

Ils ne sont pas les seuls. Les derniers messages du centre des médias de Baba Amr étaient dramatiques. «Nous serons tués très bientôt», a affirmé l'un d'entre eux, mardi soir. Depuis, c'est le black-out. De son côté, le régime de Damas a promis de «nettoyer Baba Amr en quelques heures».



Un repli

Plus tôt dans la journée, j'ai rencontré un membre de l'Armée syrienne libre dans un institut médical de Tripoli, dans le nord du Liban, où sont soignés une dizaine de soldats rebelles blessés de Baba Amr. Il avait quitté le quartier éprouvé cinq jours plus tôt. Et il n'avait pas l'intention d'y retourner.

«Ça fait une semaine qu'on discute de l'éventualité d'un repli», confie Abou Ammar. Selon lui, l'Armée syrienne libre a même proposé une trêve, le temps d'organiser sa retraite. Mais son offre a été rejetée.

La plupart des civils ont déjà quitté Baba Amr, dit Abou Ammar. Mais ils sont maintenant coincés dans les quartiers voisins, incapables de quitter Homs. «Ils ont besoin de tentes, ils n'ont nulle part où aller.» Et ces quartiers essuient, eux aussi, des tirs d'artillerie lourde.

L'homme de 37 ans, qui a quitté l'armée régulière pour rejoindre à la rébellion, raconte comment le quartier de Baba Amr a été pilonné de cinq positions différentes, de cinq ou six  fois par jour, depuis le début de l'offensive, il y a trois semaines.

«Ils ont tiré sur les quartiers résidentiels avec des mortiers de 160 millimètres et des batteries antiaériennes.» Confirmant d'autres témoignages,

Abou Ammar affirme aussi qu'avant de faire gronder son artillerie lourde, l'armée syrienne faisait du repérage à l'aide de drones iraniens.

Avec ses AK-47 et ses lance-grenades, l'Armée syrienne libre ne fait tout simplement pas le poids.

L'armée de libération est d'autant plus vulnérable qu'elle a perdu ses «soldats d'élite», selon Abou Ammar. Et qu'elle est déchirée par des tensions internes, mettant en cause, entre autres, des contingents d'islamistes.

Pour les civils, la vie n'est plus tenable à Baba Amr. «Toutes les mosquées sont détruites. Toutes les écoles sont détruites.»

Abou Ammar a fait d'importants efforts pour rester positif, malgré tout, lors de notre conversation, hier. «Regardez, il y a de plus en plus de manifestations à Alep et à Damas.» Selon lui, les rebelles contrôlent maintenant le grand marché de Homs et prévoient y faire un «repli tactique», avant de se «restructurer».

Regard sombre

Mais son regard sombre démentait ce sursaut d'optimisme. Et même d'autres médias citaient des combattants antirégime «prêts à mourir pour Baba Amr». Tous les signaux laissent présager une défaite imminente des insurgés.

Selon des informations non confirmées, les leaders de la brigade Al-Farouq, principale force de l'opposition à Baba Amr, auraient d'ailleurs déjà abandonné ce quartier.

Ces témoignages sont évidemment impossibles à vérifier, en l'absence de communication avec Baba Amr.

La situation était donc très confuse, hier soir. Mais au moment d'écrire ces lignes, des témoignages recueillis par des médias auprès d'habitants d'autres quartiers de Homs confirmaient que la grande offensive terrestre contre ce quartier, qui constitue depuis plusieurs mois l'épicentre du soulèvement contre Bachar al-Assad, n'avait pas encore eu lieu. Mais qu'elle était désormais imminente.

«Baba Amr est une légende», affirme fièrement Abou Ammar. Une légende qui, à moins d'un miracle, risque d'entrer bientôt dans l'histoire.