Les Syriens sont appelés dimanche, dans un climat de violences sans précédent, à se prononcer par référendum sur une nouvelle Constitution, qui supprime la prééminence du parti Baas mais maintient de très larges prérogatives au chef de l'État.

Ce projet de Constitution s'inscrit dans le cadre des réformes promises par le régime pour tenter de calmer la contestation, mais l'opposition, qui voit le même «esprit» dans le nouveau texte que dans l'ancien et qui réclame avant tout le départ du président Bachar Al-Assad, a appelé à boycotter le scrutin.

Washington a qualifié le référendum de «plaisanterie», alors que la répression a fait au moins 7600 morts selon des militants et que les violences ne s'apaisent pas après plus de 11 mois de révolte.

En supprimant l'article 8 de la Constitution de 1973, qui stipule que le parti Baas «est le dirigeant de l'État et de la société», le texte ouvre la voie au pluralisme politique.

Le quotidien officiel al-Baas a toutefois assuré mercredi que cette ouverture ne faisait qu'accompagner «l'évolution politique et sociale», sans être une perte pour le parti.

En outre, le chef de l'État garde de larges pouvoirs puisque c'est lui qui choisit le premier ministre -et le gouvernement- indépendamment de la majorité parlementaire, et qu'il peut dans certains cas rejeter des lois.

L'article 88 indique que le président ne peut être élu que pour deux septennats, mais l'article 155 précise que ces dispositions ne s'appliqueront qu'à partir de la prochaine présidentielle prévue en 2014, ce qui permet en théorie à Bachar Al-Assad de rester au pouvoir encore 16 ans.

 

Le texte maintient aussi les dispositions de l'article 3 selon lesquelles «le président doit être musulman» et la jurisprudence islamique est «l'une des principales sources de la législation», ce qui heurte les formations laïques et les minorités confessionnelles en général proches du pouvoir.

Plus de 14 millions d'électeurs de plus de 18 ans pourront voter dans 13 835 bureaux. Les sunnites représentent environ 75% de la population, le reste étant réparti entre différentes communautés, dont 12% d'alaouites, confession de M. Assad.

Des affiches ont été placardées dans toute la capitale et la télévision d'État diffuse des spots. «C'est la première fois que les messages se bornent à inviter les citoyens à se rendre aux urnes, sans les inciter à voter pour la Constitution», a affirmé à l'AFP le ministre de l'Information, Adnane Mahmoud.

Mais les Comités de coordination locaux, qui animent la contestation sur le terrain, ont appelé au boycottage et à la grève dimanche dans tout le pays «car le régime cherche par ce biais à cacher ses crimes».

Les partisans du président, eux, semblent convaincus.

Sana Nasser, la quarantaine, vêtue d'un blouson militaire, distribue des exemplaires de la Constitution sur une grande place de Damas. «Le président a rencontré tout le monde pour s'enquérir de la souffrance et des griefs du peuple. C'est en tenant compte de tout cela qu'il a donné des directives pour élaborer une nouvelle Constitution», assure-t-elle.

Mais Salma, 31 ans, diplômée de sociologie au chômage, assure qu'elle n'ira pas voter. «Depuis ma naissance, il n'y a jamais eu d'élections démocratiques dans ce pays et aujourd'hui cela ne change rien. On n'a pas le droit d'exprimer son opinion, il y a toujours des prisonniers politiques», assure-t-elle.

«Il aurait fallu élire une assemblée constituante pluraliste pour rédiger la Constitution, au moins j'aurais eu l'impression de donner mon avis», ajoute-t-elle. Le texte proposé a été rédigé par une commission de 29 membres choisis par M. Assad.

Pour Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie et professeur à l'Université d'Édimbourg, «le texte constitutionnel a toujours eu une importance très relative dans l'organisation du système politique syrien, dominé par les services de renseignement, et il n'y a aucune raison que cela change sous le régime actuel».