Les reporters blessés en Syrie, la journaliste française Édith Bouvier et le photographe britannique Paul Conroy, ont appelé à l'aide jeudi dans deux vidéos distinctes, depuis la ville pilonnée de Homs (centre de la Syrie), pour être évacués «au plus vite».

Ces nouvelles des blessés sont arrivées au lendemain de la mort de l'Américaine Marie Colvin, grand reporter du Sunday Times, et du Français Rémi Ochlik, photographe à l'agence IP3 Press, tués dans le pilonnage d'une maison transformée en centre de presse, un drame que le président français Nicolas Sarkozy a qualifié jeudi d'«assassinat».

Dans une première vidéo postée sur YouTube, Édith Bouvier, reporter pour le quotidien Le Figaro, apparaît calme, allongée sur un lit. À ses côtés, le photographe français William Daniels, venu en Syrie pour le Figaro Magazine et le Time Magazine, précise ne pas être blessé. Ils se trouvent toujours à Homs, assiégée depuis 20 jours par les forces du régime de Bachar Al-Assad.

«Bonjour, je suis Édith Bouvier, journaliste française (...) Nous sommes jeudi 23 février, il est presque 15h. Nous avons été blessés dans une attaque hier avec un groupe de journalistes, dans laquelle Marie Colvin et Rémi Ochlik ont été tués», dit-elle.

«J'ai la jambe cassée au niveau du fémur dans le sens de la longueur entièrement et dans le sens horizontal également. J'ai besoin au plus vite d'être opérée. Ici, les médecins nous ont très bien traités, autant qu'ils le peuvent, seulement ils ne peuvent pas pratiquer d'opération chirurgicale», explique-t-elle.

«J'ai besoin au plus vite de la mise en place d'un cessez-le-feu, d'une voiture médicalisée ou en tout cas en bon état qui me conduise jusqu'au Liban, et d'être traitée dans les plus brefs délais», conclut-elle.

William Daniels raconte que des Syriens les «ont transportés dans un endroit un peu plus loin de l'hôpital parce que l'hôpital est visé par des bombes».

Il explique également qu'il est «très dur et très dangereux» de communiquer avec l'extérieur. «On s'est concertés, on s'est dit que cette vidéo pouvait dire un peu à tout le monde quelle était notre situation ici», dit-il.

«J'espère que les autorités françaises peuvent nous aider le plus rapidement possible parce que c'est difficile ici, on n'a pas d'électricité, on n'a pas beaucoup à manger, les bombes continuent de tomber», insiste-t-il.

 

Dans une seconde vidéo où il apparaît également allongé sur un lit, Paul Conroy réclame «toute aide possible», ajoute que cet enregistrement vise à «rassurer» ses proches et qu'il est «absolument OK».

«J'ai été blessé à la jambe dans une attaque à la roquette», dit-il. «Je suis actuellement pris en charge par le personnel médical de l'Armée syrienne libre (ASL) qui m'a soigné du mieux qu'ils peuvent. (...) Bien sûr, toute assistance que je pourrais recevoir de la part d'agences gouvernementales serait la bienvenue», ajoute-t-il.

Paris et Londres se démenaient pour faire évacuer les blessés et les dépouilles des deux journalistes tués.

Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a indiqué avoir «demandé à Damas d'organiser l'évacuation» d'Édith Bouvier. La diplomatie britannique a affirmé faire tout «le nécessaire» pour «mettre en sécurité» Paul Conroy.

Selon le ministre syrien de l'Information, Adnane Mahmoud, le gouverneur de Homs a été mandaté pour tenter une évacuation mais «pour l'instant, c'est une annonce, il n'y a pas de mesure concrète», a commenté M. Juppé.

Le ton continuait aussi de monter alors que des militants syriens se sont dits «sûrs» que le centre de presse avait été visé après que «les forces du régime ont capté un signal de transmission» des moyens de communication par satellite.

Selon un insurgé de Homs, Abou Bakr, joint par Skype par l'AFP, les bombardements ont commencé à 6h. «D'abord dans tous les sens puis soudainement ça s'est rapproché de là où nous étions. Nous avons commencé à penser que ce lieu était bien connu des troupes d'Assad et à ce moment la maison a commencé à être bombardée intensivement», a-t-il raconté.

Rémi Ochlik et Marie Colvin sont morts sous les décombres de la maison touchée par une nouvelle roquette alors qu'ils essayaient de s'échapper avec Édith Bouvier et Paul Conroy, selon ce témoin.

«Ceux qui ont fait ça devront rendre des comptes», a prévenu le président français. «J'ai vu les images (...) il y a une volonté de bombarder un endroit puisqu'il s'y trouve des journalistes», a-t-il ajouté.