Les forces syriennes ont attaqué jeudi plusieurs bastions de la révolte et bombardé à l'artillerie lourde ceux de Homs et Hama, au lendemain de l'annonce par le régime d'un référendum sur un projet de Constitution rejeté par l'opposition.

Les violences qui ont fait 22 morts, surviennent à quelques heures d'un vote à l'Assemblée générale de l'ONU sur un projet de résolution condamnant la répression de la contestation. La Russie, une alliée du régime syrien, a d'emblée fait savoir qu'elle ne soutiendrait pas une «résolution inéquitable».

Comme il le fait depuis le début de la révolte le 15 mars 2011, le régime du président Bachar Al-Assad a fait suivre les annonces de réformes par une escalade de la répression.

Après son annonce d'un référendum le 26 février sur un projet de Constitution, ses forces ont continué de pilonner Homs, assiégée et bombardée depuis le 4 février, ont attaqué Hama à la roquette et ont renforcé leur présence à Deraa, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

À Homs (centre), les quartiers de Baba Amr, d'al-Inchaat et de Khaldiyeh ont été pilonnés à la roquette, a-t-elle précisé.

Des Roumaines mariées à des Syriens et rapatriées dans leur pays natal ont évoqué «une guerre comme on n'en a jamais vu». Homs «est une ville isolée, il n'y a pas d'écoles, pas de courant, pas d'eau, rien de ce qu'il y a d'habitude dans un pays», a déclaré Mihaela Sahlol dont le mari est resté en Syrie.

Selon Amnistie Internationale, au moins 377 civils, dont 29 enfants, ont été tués à Homs depuis le 4 février, et des centaines de blessés graves sont bloqués dans la ville et privés de soins adéquats.

Plus au nord, à Hama, quatre civils et 10 déserteurs ont été tués dans un pilonnage par les forces du régime de la localité de Kafrnbouda, et quatre soldats ont péri dans l'attaque de leur poste de contrôle par des déserteurs, selon l'OSDH, une ONG basée en Grande-Bretagne.

À Deraa, berceau de la révolte dans le sud du pays, un civil a été tué par des tirs des troupes et trois soldats ont été tués lors d'affrontements avec des déserteurs, a-t-elle poursuivi.

«C'est devenu comme le Liban durant la guerre civile (1975-1990), on est devenu habitué aux tirs et aux coupures d'électricité», affirme témoigne Mohammed, un habitant de Deraa.

Face à la poursuite des violences, les opposants syriens ont rejeté en bloc le projet de Constitution et appelé à boycotter le référendum.

Pour les Comités locaux de coordination (LCC), qui chapeautent la contestation sur le terrain, «le régime se moque de la volonté des Syriens car les conditions pour la tenue de référendum ne sont pas réunies et celui qui a élaboré le projet n'est pas légitime».

Pour le Comité de coordination pour le changement national et démocratique (CCCND), basé en Syrie, «il est absolument impossible que l'on participe à un référendum avant l'arrêt des violences et des assassinats».

«Un régime qui tue son peuple (...) n'a pas le droit d'établir une Constitution pour organiser la vie politique en Syrie», ont renchéri les militants pro-démocratie sur leur page Facebook «Syrian Revolution 2011».

Le Conseil national syrien (CNS), principale instance de l'opposition, qui vient de reconduire pour trois mois Burhan Ghalioun à sa tête, n'a pas encore réagi publiquement à l'annonce du référendum.

La loi fondamentale proposée ouvre la voie au multipartisme en mettant fin à la primauté du parti Baas au pouvoir depuis près de 50 ans, mais cette revendication est dépassée pour l'opposition qui réclame désormais le départ pur et simple de M. Assad.

Damas «doit d'abord arrêter de tuer ses propres citoyens», avant d'engager un référendum, mais «l'opposition doit aussi mettre un terme aux violences», a déclaré le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.

Le blocage reste ainsi total, d'autant plus que la communauté internationale est plus que jamais divisée sur la Syrie: Washington a qualifié l'annonce du référendum de «plaisanterie» alors que la Russie a parlé de «pas en avant».

Et jeudi, une source informée russe citée par l'agence Interfax a affirmé que Moscou ne soutiendrait pas une résolution «inéquitable» à l'Assemblée générale de l'ONU, après avoir demandé plusieurs amendements au projet.

L'Assemblée générale doit se prononcer plus tard dans la journée sur ce projet condamnant la répression qui a fait des milliers de morts depuis 11 mois, moins de deux semaines après le blocage par un veto russo-chinois d'un texte similaire au Conseil de sécurité.

L'adoption du texte est très probable, mais sa portée sera surtout symbolique.

L'annonce russe est survenue après un entretien à Vienne entre les chefs de la diplomatie française Alain Juppé et russe Sergueï Lavrov qui ont débattu de la proposition française de créer des «corridors humanitaires», mais se sont séparés sans faire la moindre déclaration.

Enfin, la Chine a annoncé l'envoi vendredi d'un vice-ministre des Affaires étrangères en Syrie, qui s'est déclaré opposé à un «changement de régime amené par la force».