Plus de 80 personnes ont péri jeudi en Syrie, dont une majorité de civils tués par les forces du régime dans la ville de Homs, haut lieu de la contestation dans le centre du pays, le président américain Barack Obama dénonçant un «bain de sang atroce».

«Cinquante-trois civils ont été tués dans de violents bombardements sur Homs, dont 35 dans le quartier de Baba Amr, et onze (...) dans le pilonnage de leurs maisons dans le quartier d'Inchaat», a affirmé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Les troupes syriennes ont pilonné Homs avec acharnement jeudi, au sixième jour d'un assaut destiné à faire plier cette ville rebelle. Entre samedi et mercredi soir, plus de 400 civils y ont été tués, selon le chef de l'OSDH Rami Abdel Rahmane.

«Les roquettes pleuvent sans arrêt sur Baba Amr», un quartier de Homs, a indiqué un militant sur place, Omar Chaker.

«Certains immeubles sont totalement détruits. Homs est une ville (...) fantôme», affirme Jad al-Homsi, un autre militant, qui estime que les armes des membres de l'Armée syrienne libre (ASL, déserteurs) «ne font pas le poids face aux roquettes du régime», dit-il.

Selon le militant Omar Chaker, de Baba Amr, joint sur Skype, «des corps carbonisés se trouvent dans des maisons visées par les bombardements. Les habitants se réfugient dans les étages inférieurs en l'absence d'abris».

Amnesty international a dit craindre «une crise humanitaire majeure» à Homs où les communications téléphoniques et l'électricité sont coupées, les infrastructures détruites, les médicaments et la nourriture se font rares selon les militants.

Outre Homs, les troupes mènent des opérations contre d'autres foyers de la contestation, comme à Deir Ezzor, Zabadani et Madaya, à 40 km au nord de Damas, Idleb, et des villes de la province de Deraa.

Ainsi, dix civils ont péri à Zabadani, quatre à Idleb, un à Deraa et sept à Khaldiyé, près de Damas.

Par ailleurs, sept membres des forces de sécurité ont été tués et douze blessés dans une embuscade tendue par des déserteurs sur la route reliant Deraa à Damas, selon l'OSDH.

Comme chaque semaine depuis le début de la révolte contre le régime de Bachar al-Assad à la mi-mars 2011, les militants pro-démocratie ont appelé les Syriens à manifester en masse vendredi.

Cette fois-ci, ils entendent dénoncer l'appui de la Russie au régime et son veto à un projet de résolution du conseil de sécurité de l'ONU condamnant la répression.

«La Russie tue nos enfants. Ses avions, ses chars et son veto aussi tuent nos enfants», ont-ils écrit sur la page Facebook «Syrian Revolution 2011».

Le Conseil national syrien (CNS), principale formation de l'opposition, a estimé que la Russie avait «besoin de recouvrer sa crédibilité auprès du peuple syrien en usant de son influence sur le régime» pour faire cesser immédiatement les tueries et négocier le départ du président Assad.

Le CNS a tenu jeudi des réunions au Qatar sous la présidence de Burhan Ghalioun, pour débattre des développements politiques «avant deux réunions importantes, celle du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et celle de la Ligue arabe», prévues dimanche au Caire, a précisé l'un de ses membres.

Le pouvoir, qui se refuse à reconnaître l'ampleur du mouvement de contestation, a confirmé une opération à Homs mais affirmé que ses forces y pourchassaient les «groupes terroristes» qu'il accuse d'être à l'origine des violences contre les civils.

Le président américain Barack Obama a dénoncé le «bain de sang atroce» qui est selon lui en cours en Syrie, à l'occasion d'une rencontre à la Maison Blanche avec le Premier ministre italien Mario Monti.

Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague, qui a de nouveau demandé au président Assad de quitter «immédiatement» le pouvoir, a indiqué par ailleurs que son pays n'avait pas l'intention de fournir d'armes à l'opposition syrienne.

Selon des analystes, le blocage diplomatique après les veto russe et chinois à l'ONU ouvre la porte à la militarisation du mouvement de contestation, des voix appelant à l'intérieur comme à l'étranger à armer l'opposition.

La France a approuvé de son côté le retour d'observateurs arabes en Syrie «à condition que ces derniers puissent exercer librement et entièrement leur mandat».

Le chef de l'ONU Ban Ki-moon avait annoncé mercredi que le Conseil de sécurité examinerait bientôt une demande de la Ligue arabe suggérant une «mission conjointe en Syrie, avec un émissaire spécial commun», après la décision selon lui de l'organisation arabe de renvoyer ses observateurs dans ce pays.

M. Ban a en outre estimé que le veto russo-chinois au projet de résolution présenté à l'ONU par les Arabes et les Occidentaux, prévoyant une transition démocratique, allait encourager la répression qui a fait des milliers de morts.

Malgré l'indignation provoquée par son veto, la Russie, un allié du régime Assad, continue à opter pour la non ingérence en Syrie, après avoir envoyé son chef de la diplomatie Sergueï Lavrov rencontrer mardi à Damas M. Assad qui a pourtant promis à son interlocuteur de «faire cesser» l'effusion de sang.

«Notre tâche, c'est de les aider (les Syriens) sans aucune forme d'ingérence», a expliqué le premier ministre Vladimir Poutine, dont le pays refuse d'évoquer un départ de M. Assad en estimant que son sort devait être réglé par «les Syriens eux-mêmes».

Face au blocage à l'ONU, plusieurs pays ont pris des mesures unilatérales pour accentuer l'isolement du régime Assad visé déjà par des sanctions: Washington a fermé son ambassade, des pays européens ont rappelé leurs ambassadeurs et les monarchies du Golfe ont décidé d'expulser les ambassadeurs syriens.

La Libye, qui était parmi les premiers pays à avoir reconnu le CNS, a donné aux diplomates syriens 72 heures pour quitter le pays, a indiqué jeudi l'agence officielle Lana.

La Turquie veut, elle, organiser une conférence internationale et les États-Unis ont annoncé une prochaine réunion d'un groupe de pays «amis du peuple syrien».