Les dirigeants israéliens, inquiets de l'incertitude qui suivrait une chute du président syrien Bachar al-Assad, longtemps considéré par Israël comme un moindre mal, ne condamnent que timidement les violences en Syrie.

Malgré le différend territorial entre les deux voisins sur le plateau du Golan, conquis et annexé par Israël à l'issue de la Guerre des Six-Jours (juin 1967), la frontière israélo-syrienne n'a connu aucun incident notable depuis la fin de la Guerre de Kippour en octobre 1973. Même si Israël et la Syrie sont officiellement en état de guerre.

Pour de nombreux dirigeants israéliens, la gestion autoritaire du président Assad était jusqu'à présent la meilleure garantie du maintien du statu quo sur sa frontière nord. Alors que l'intensification de la répression contre l'opposition syrienne provoquait une vague de condamnations internationales, les dirigeants israéliens ont longtemps évité d'attaquer directement M. Assad.

«Ces derniers jours (...) nous avons vu l'armée syrienne massacrer son peuple. Nous avons été témoins d'événements sanglants dans notre région. Certains dirigeants n'ont aucun scrupule moral à tuer leurs voisins ou leur propre peuple», a ainsi déclaré dimanche le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, faisant allusion aux bombardements meurtriers de Homs par l'armée syrienne.

Une condamnation jugée trop timide et allusive par certains hommes politiques israéliens, comme Isaac Herzog, ancien ministre des Affaires sociales, chef du groupe travailliste (opposition) à la Knesset.

«Il est temps que mon gouvernement, face aux atrocités commises en Syrie, sorte de sa réserve et condamne clairement les exactions du gouvernement syrien», a déclaré M. Herzog à l'AFP.

Plus de 6000 personnes ont été tuées depuis le début de la révolte en Syrie à la mi-mars 2011, selon les militants de l'opposition syrienne.

La discrétion des responsables israéliens s'explique en partie par la crainte qu'en cas de chute d'Assad, les stocks d'armes détenus par le régime syrien ne tombent aux mains de groupes armés, notamment du mouvement chiite libanais Hezbollah.

Israël et les États-Unis soupçonnent Damas de s'être doté d'un arsenal d'armes chimiques et biologiques. En 2007 l'aviation israélienne avait détruit un réacteur nucléaire construit par la Syrie avec l'aide de la Corée du nord.

Mais la timidité des condamnations israéliennes de la répression en Syrie relève aussi du souci de ne pas desservir l'opposition syrienne, souligne Eyal Zisser, professeur d'histoire à l'université de Tel-Aviv, spécialiste de la Syrie et du Liban.

«Les dirigeants israéliens préfèrent se taire car ils craignent d'affaiblir l'opposition et que le régime d'Assad ne la traite ''d'alliée des sionistes''», souligne le professeur Zisser.

Toutefois, selon lui, les dirigeants et l'opinion israélienne abandonnent progressivement leur attentisme face à la répression en Syrie, de plus en plus convaincus de la nécessité d'un changement de régime.

«Au début (du soulèvement), les Israéliens se disaient: ''Nous préférons le diable que nous connaissons, Bachar al-Assad''», explique-t-il.

«Mais ils sont de plus en plus nombreux à penser qu'à long terme c'est aussi leur intérêt qu'Assad parte car c'est un allié proche du Hezbollah et de l'Iran», ajoute l'universitaire.

Une opinion partagée par Itamar Rabinovitch, ancien ambassadeur d'Israël aux États-Unis, qui a estimé lundi à la radio militaire qu'Israël est arrivé à la conclusion que «même si le chaos en Syrie peut s'avérer dangereux pour lui, les dégâts directs et indirects que provoque Assad en tant qu'allié et agent principal de l'Iran sont plus importants».

La Syrie est le principal allié de l'Iran, ennemi juré d'Israël, au Moyen-Orient. Les États-Unis, la France et l'opposition syrienne ont accusé Téhéran de fournir des armes au régime de M. Assad.