Les violences se sont amplifiées en Syrie au lendemain de l'échec du Conseil de sécurité des Nations unies à faire adopter une résolution pour demander au régime de Bachar al-Assad la fin de sa sanglante répression. Selon l'opposition syrienne, plus de 300 personnes sont mortes au cours de la fin de semaine, principalement dans la ville de Homs.

Le pire reste à venir, craint Houchang Hassan-Yari, spécialiste du Moyen-Orient et des questions militaires. «On peut s'attendre à une intensification de la répression dans les jours et semaines à venir», soutient le professeur du Collège militaire royal du Canada. Selon lui, Damas tentera certainement de profiter du veto imposé samedi par la Russie et la Chine au Conseil de sécurité, le deuxième en quelques mois, pour tenter de mater l'opposition.

La Syrie risque alors de s'enliser dans une sanglante guerre civile, craignent plusieurs observateurs. Le bilan dressé quotidiennement par l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) s'est d'ailleurs considérablement alourdi au cours des derniers jours. Le groupe établi au Royaume-Uni a signalé 56 morts dans les affrontements d'hier, et 48 autres samedi. Les opposants syriens affirment également qu'un intense pilonnage de la ville de Homs, principal bastion de l'insurrection, aurait fait 230 morts, dans la nuit de vendredi à samedi. L'ONU évaluait la semaine dernière que le soulèvement populaire pour chasser Bachar Al-Assad du pourvoir avait coûté la vie à 5400 personnes, depuis mars 2011.

Allié russe

Devant l'échec au Conseil de sécurité, le principal groupe de résistance, l'Armée libre de Syrie, a indiqué vouloir poursuivre sa lutte armée pour renverser le régime syrien. «Il n'y a pas d'autre choix. Nous considérons que la Syrie est occupée par un groupe de criminels et nous devons en libérer le pays», a indiqué hier le colonel Riad al-Asaad, en entrevue à l'Associated Press.

«On a franchi un point de non-retour, constate pour sa part l'expert Houchang Hassan-Yari. On est devant un cul-de-sac qui ne peut être cassé que par la défaite d'une des deux parties.» Loin de mater l'insurrection, l'intensification de la répression observée au cours des derniers jours risque de contribuer à alimenter l'opposition. «Je ne pense pas que l'on va assister à la disparition de cette armée rebelle. On va plutôt assister à davantage de désertions parce que la plus grande répression va inciter davantage de soldats à se poser des questions», analyse Houchang Hassan-Yari.

Seul espoir de dénouement de la crise à court terme, le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov, doit rencontrer demain à Damas le président syrien Bachar al-Assad. «Il pourrait lui conseiller de cesser la répression en lui disant avoir tout fait pour lui à l'ONU et ne pouvoir en faire davantage puisqu'on accuse la Russie et la Chine de partager la responsabilité [de la répression]. Mais j'en doute fort», dit Houchang Hassan-Yari.

»Les amis du peuple syrien»

Devant l'échec diplomatique au Conseil de sécurité, plusieurs pays ont maintenant décidé de travailler à l'extérieur du réseau onusien en créant un «Groupe des amis du peuple syrien», comme l'a baptisé le président français Nicolas Sarkozy.

«C'est une véritable parodie. Devant un Conseil de sécurité paralysé, nous devons redoubler d'efforts à l'extérieur des Nations unies», a d'ailleurs commenté la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, en conférence de presse en Bulgarie. Les États-Unis ont d'ailleurs ouvertement accusé la Russie de continuer à vendre des armes au régime syrien.

Le Canada semble vouloir adhérer à ce groupe international. Dans un communiqué, le ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, affirme qu'Ottawa «continue d'appuyer les efforts des pays voisins de la Syrie et d'autres pays pour résoudre la crise actuelle».

La création d'un tel groupe vient rappeler la formation d'une coalition internationale pour renverser le dictateur Mouammar Kadhafi, en Lybie. Mais voilà, les pays avaient alors décidé de miser sur une intervention militaire de l'OTAN pour soutenir l'opposition, ce qui est toujours exclu pour le moment en Syrie.

En réaction aux violences, plusieurs manifestations ont eu lieu un peu partout dans le monde devant les ambassades syriennes. Une quarantaine de Syriens d'origine ont ainsi marché samedi à Ottawa devant l'ambassade de Syrie, qui a été aspergée de peinture rouge. À Londres, les manifestants ont réussi à pénétrer de force à l'intérieur du bâtiment qui abrite la diplomatie syrienne, avant d'en être expulsés. Des scènes similaires ont également eu lieu en Grèce, au Koweït et en Égypte, où une partie de l'ambassade a été incendiée.